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Baromètre: Ne pas surestimer l’impact du politique sur les marchés
Allocation d’actifs: Conditions toujours favorables pour les actions
Jusqu’où le marché peut-il grimper? Après le rebond d’environ 26% enregistré par les actions mondiales sur ces huit derniers mois, c’est la question que se posent les investisseurs.
Les actions peuvent s’appuyer sur des perspectives économiques qui demeurent solides, les craintes d’une inflation persistante semblant s’être estompées.
Cependant, il convient d’opposer ce contexte fondamental positif à deux évolutions potentiellement négatives. Tout d’abord, la scène politique en Europe est compliquée. Les élections législatives anticipées en France risquent de jeter le pays dans des contrées inexplorées, la droite dure ayant largement remporté le premier des deux tours de scrutin. Une deuxième force qui freine les actions est le positionnement de leurs investisseurs, qui, selon nos indicateurs, est extrêmement haussier.
Pour toutes ces raisons, nous continuons de penser que l’équilibre des risques reste favorable à une surpondération des actions, à une neutralité vis-à-vis des obligations et à une sous-pondération des liquidités.
Nos indicateurs de cycle conjoncturel sont positifs. Sur les marchés émergents, les perspectives économiques sont au beau fixe. Ils bénéficient de la hausse des prix des matières premières et de l’amélioration du commerce mondial.
Les choses semblent plus mitigées pour l’Europe, notamment en raison des élections législatives en France. Les aléas du mode de scrutin à deux tours utilisé dans l’hexagone compliquent toute prévision de résultat et font peser le doute sur les perspectives de croissance économique et de dépenses budgétaires.
Au-delà de la politique, notre indicateur avancé pour la région continue de s’améliorer, tout comme le panorama de l’inflation. Nous tablons sur une poursuite de ces tendances avec des baisses de taux progressives de la part de la Banque centrale européenne.
Aux États-Unis, en revanche, les données récentes se sont affaiblies. Nous prévoyons que la croissance de la première économie mondiale ralentira jusqu’à environ 1% en rythme annuel d’ici à la fin de l’année, soit environ la moitié de son potentiel, en raison d’un trou d’air de la consommation et des investissements résidentiels.
Nos indicateurs de liquidité mondiale sont neutres pour les classes d’actifs les plus risquées. La moitié des banques centrales que nous surveillons sont en attente, 37% sont en phase d’assouplissement et 13% resserrent (notamment le Japon). Si la part des banques centrales qui assouplissent leur politique monétaire continue d’augmenter, les conditions économiques pourraient s’améliorer. Notre analyse montre que, généralement, une baisse des taux d’intérêt des banques centrales est suivie d’une hausse des indicateurs avancés avec un décalage de neuf mois.
La situation concernant l’accès aux liquidités soutient ainsi notre position globalement positive vis-à-vis des actions mondiales.
Parmi les actions, nos modèles de valorisation soutiennent notre préférence pour les actions européennes par rapport à leurs homologues américaines. Si l’Europe se place au deuxième rang des régions les moins chères de notre modèle, les États-Unis sont de loin la plus onéreuse.
Dans l’ensemble, environ 80% des classes d’actifs de notre modèle de valorisation se négocient au-dessus de la tendance, ce qui ne s’est produit qu’à trois reprises au cours de la dernière décennie1. C’est peut-être le signe d’une complaisance élevée de la part du marché, ce qui plaide pour la détention de valeurs refuges telles que le franc suisse, l’or et les bons du Trésor américain.
Les indicateurs techniques suggèrent que la dynamique reste positive pour les actions et que le marché n’est pas encore suracheté. La solidité des flux entrants d’actions se maintient (à quelque 44 milliards de dollars US au cours des quatre dernières semaines, voir Fig. 2), ce qui va à l’encontre de critères saisonniers plutôt négatifs.
Secteurs et régions des actions: coupes claires dans l’informatique
Depuis le début de l’année, la capitalisation de marché du S&P 500 a augmenté de 5 800 milliards de dollars US. De ce montant, pas moins de 1 800 milliards de dollars US, soit 31%, reviennent au géant des semi-conducteurs Nvidia. Le cours de Nvidia a lui-même progressé de 150% au cours de cette période. Tout cela commence à nous mettre mal à l’aise, notamment au sujet des vulnérabilités du secteur informatique.
Ainsi, bien que les bénéfices des entreprises restent globalement sains et que nous maintenions la surpondération des actions en tant que classe d’actifs, nous nous montrons prudents concernant le niveau de concentration des gains observé sur le marché (voir Fig. 3). Nous réduisons notre position dans l’informatique, après une nouvelle hausse de 9,5% de ce secteur sur le mois, qui porte son rebond à 26% depuis le début de l’année. Les actions technologiques semblent en effet surachetées dans notre cadre. Cela dit, nous avons également plusieurs raisons de ne pas sous-pondérer le secteur: la dynamique des bénéfices des entreprises reste solide, même si elle repose principalement sur les semi-conducteurs, et ces actions ne sont pas à l’abri d’une bonne surprise, en particulier si la Réserve fédérale américaine considère avant le marché qu’il est temps de baisser les taux d’intérêt.
Nous maintenons la surpondération des services aux collectivités, qui présentent des caractéristiques défensives et des bénéfices stables, ainsi que des valorisations attrayantes, ce qui peut être utile alors que nous observons les premiers signes d’un ralentissement de la consommation. Nous surpondérons les services de communication, dont les bénéfices restent solides. Il s’agit en outre de l’un des seuls secteurs où le taux de rachats d’actions propres est supérieur à la moyenne. Nous restons sous-pondérés dans l’immobilier, les taux toujours élevés faisant pression sur le secteur et les analystes continuant de dégrader les bénéfices.
Nous ne touchons pas à notre allocation régionale en actions. Nous conservons la surpondération des actions de la zone euro, de Suisse et du Japon. L’Europe est restée à la traîne par rapport aux autres marchés après l’annonce d’élections anticipées en France. Les investisseurs ont dû composer avec la possibilité de changements budgétaires défavorables et avec les éventuels défis pour l’unité européenne que représente une extrême droite de plus en plus puissante dans l’hexagone. Néanmoins, nous restons surpondérés – la région donne accès à une reprise cyclique durable à une valorisation attrayante.
Les actions suisses, en particulier, peuvent compter sur une dynamique positive des bénéfices des entreprises, sur des valorisations attrayantes et sur une exposition à un nombre inhabituellement élevé d’entreprises de qualité – celles qui affichent des bénéfices et des perspectives solides et un faible risque de défaut. Par ailleurs, de forts arguments structurels plaident en faveur des actions japonaises: selon nous, les actions nippones vont continuer à profiter des améliorations de la gouvernance d’entreprise ainsi que de l’association d’une politique monétaire encore accommodante et d’un yen plus faible. Les révisions de bénéfices restent saines, même si elles s’essoufflent. Par conséquent, nous restons surpondérés vis-à-vis des actions.
Obligations et devises: de l’or, pas des gilts
Le risque politique menace de saper une partie des bonnes nouvelles enregistrées sur le front de l’inflation. Il est surtout présent au Royaume-Uni et en France, où les élections législatives prévues ce mois-ci pourraient porter au pouvoir de nouvelles majorités, susceptibles d’augmenter les dépenses publiques. Parallèlement, les élections à venir aux États-Unis ouvrent la perspective d’une nouvelle administration Donald Trump.
Alors que les travaillistes vont probablement prendre le pouvoir au Royaume-Uni et que l’extrême droite progresse à chaque élection en France, les investisseurs se préoccupent de plus en plus de l’état des finances publiques. Nous abaissons les obligations britanniques (gilts) de surpondérer à neutre, réduisant ainsi le risque avant les élections législatives à venir. Il faut admettre que les valorisations restent attrayantes (même si elles sont inférieures à celles de l’année dernière) et que le marché table de plus en plus sur la possibilité d’une politique plus accommodante de la part de la Banque d’Angleterre après la publication de données d’inflation rassurantes. Néanmoins, les poussées extrêmes de volatilité des marchés déclenchées par le programme budgétaire radical de Liz Truss au début de son court passage au 10 Downing Street resteront longtemps dans les mémoires.
De même, nous restons neutres vis-à-vis des obligations de la zone euro, même si la perspective d’une absence de majorité parlementaire en France pourrait offrir à la BCE de nouvelles raisons de poursuivre sa politique d’assouplissement.
Nous percevons de la valeur sur le marché des bons du Trésor américain, en particulier parmi les obligations indexées sur l’inflation. D’après les dernières données concernant la hausse des prix aux États-Unis, la désinflation en route dans l’ensemble, tandis que les prévisions d’inflation à long terme restent bien ancrées. Nous sous-pondérons les obligations suisses compte tenu de leurs valorisations onéreuses.
Par ailleurs, nous surpondérons le crédit américain de qualité «investment grade». Ce segment du marché présente une bonne valeur, notamment en raison des solides bénéfices des entreprises et de la possibilité de voir la Fed assouplir sa politique dans un avenir proche. À l’instar des actions américaines, le crédit investment grade américain est soutenu par une économie saine, mais avec l’avantage de rendements inhabituellement élevés.
Sur le front des devises, nous abaissons le yen japonais de surpondérer à neutre. Le coût de la couverture des positions en yens est de plus en plus élevé, surtout au vu du différentiel de taux d’intérêt entre le Japon et les autres économies développées. La Banque du Japon poursuit sa politique de resserrement pour éviter que l’économie retombe, d’une façon ou d’une autre, dans la déflation. Le principal facteur permettant un retour en grâce du yen serait probablement un net ralentissement de la croissance américaine ou un autre choc financier mondial – des circonstances qui ont tendance à provoquer une fuite des capitaux vers des pays créanciers tels que le Japon et la Suisse.
Nous relevons l’or de neutre à surpondérer. Le métal précieux n’apparaît plus suracheté dans notre cadre technique et devrait enregistrer de bonnes performances si de nouveaux gouvernements populistes et aux politiques budgétaires dépensières prennent le pouvoir des deux côtés de l’Atlantique.
Vue d’ensemble des marchés mondiaux: l’incertitude politique secoue les marchés européens
Les actions ont surperformé les obligations en juin. Le scénario d’un atterrissage en douceur de l’économie américaine était en effet considéré comme le plus probable après la publication de chiffres d’inflation rassurants qui ont alimenté la perspective de baisses des taux d’intérêt américains cette année.
Les actions américaines figurent parmi les meilleurs élèves des marchés développés, sur fond de rebond mené par les «big tech». Les actions technologiques ont en effet progressé de plus de 9% sur le mois, ce qui porte leurs gains de cette année à plus de 26%. Plus de la moitié des 15% engrangés par le S&P 500 cette année est à mettre au crédit de cinq grandes entreprises technologiques – Nvidia, Alphabet, Microsoft, Meta et Amazon.
Dans le reste du monde, les actions japonaises ont gagné plus de 1%, les flux entrants étant attirés par des améliorations de la gouvernance d’entreprise associées à une politique monétaire accommodante et à un yen faible.
En revanche, les actions de la zone euro, du Royaume-Uni et de Suisse ont perdu du terrain, les craintes de croissance faible et les incertitudes politiques pesant sur le moral des investisseurs.
Les marchés obligataires sont restés tout particulièrement suspendus à l’évolution de la situation politique. La décision du président français Emmanuel Macron d’organiser des élections anticipées a notamment secoué les marchés. La possibilité croissante d’une victoire de l’extrême droite a fait grimper les rendements des obligations d’État françaises, car les investisseurs s’inquiètent de la perspective d’une dégradation des finances publiques du pays. Cette correction a creusé l’écart de rendement des obligations d’État françaises par rapport à leurs homologues allemandes à son niveau le plus fort depuis 2017.
Néanmoins, les obligations d’État ont clôturé le mois en légère hausse. Les obligations suisses ont grimpé de plus de 2% lorsque la Banque nationale suisse a réduit les taux d’intérêt pour la deuxième fois et ouvert la possibilité d’un nouvel assouplissement. Les bons du Trésor américain ont progressé d’un peu plus de 1% alors que l’apaisement de l’inflation a augmenté les attentes concernant une baisse des taux de 25 points de base en septembre.
La dette souveraine des marchés émergents en devise locale a terminé le mois en recul de plus de 1%, pénalisée par un dollar fort. Les obligations d’entreprises ont enregistré une hausse modérée des deux côtés de l’Atlantique, les investisseurs privilégiant les segments plus risqués du marché – les dettes d’entreprises émergentes et les obligations à haut rendement américaines ont terminé le mois en hausse de près de 1%.