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Baromètre: Des conditions favorables pour les actions suisses et financières
Allocation d’actifs: prudence après le mouvement de panique des marchés
Les marchés d’actions mondiaux ont connu un mois en dents de scie – à la baisse qui a atteint 9% à un moment donné a succédé un rebond ayant permis aux actions de terminer légèrement au-dessus de leur niveau du début du mois – qui nous fait hésiter entre prudence et optimisme. Compte tenu du faible nombre de changements fondamentaux observés au cours du mois, nous maintenons notre position neutre sur les actions.
Notre prudence est une conséquence de la récente volatilité du marché et des signes de ralentissement économique, mais aussi de l’incertitude concernant les élections américaines à venir et des effets tardifs du resserrement monétaire. Par ailleurs, le fait que les gains s’étendent à l’ensemble du marché, le lancement imminent d’un cycle de baisse des taux aux États-Unis et nos attentes concernant un atterrissage en douceur de l’économie mondiale sont autant de bonnes nouvelles.
Parallèlement, nous restons neutres vis-à-vis des obligations et des liquidités. Les premières ont enregistré un fort rebond au cours de l’été en prévision d’un assouplissement significatif de la part des banques centrales. La classe d’actifs ne semble en outre pas receler de valeur significative compte tenu du niveau actuel des rendements.
Les évolutions de la politique monétaire et budgétaire comptent parmi les sujets prioritaires. Les banques centrales sont sur le point de se lancer dans un assouplissement majeur, tandis que l’avenir du déficit massif du pays dépendra en partie du résultat d’une élection américaine particulièrement équilibrée.
Nos indicateurs du cycle conjoncturel soutiennent notre prudence, et nous avons révisé à la baisse nos prévisions de croissance mondiale compte tenu de perspectives moins positives pour la Chine. Cet été, le pays a en effet publié des données décevantes, même si son économie devrait encore profiter du soutien offert par une reprise de la consommation, en particulier dans les services. Cela dit, l’état déplorable du marché immobilier chinois continue de faire ombrage aux perspectives de croissance du pays.
Aux États-Unis, le marché du travail entre dans une phase moins positive, et tout nouvel affaiblissement aura probablement des répercussions sur la croissance. Selon nous, l’économie américaine devrait enregistrer une croissance inférieure à son potentiel au cours des quatre prochains trimestres, en raison d’un ralentissement de la consommation et d’une faiblesse persistante des investissements dans le logement. Néanmoins, malgré des possibilités de récession légèrement supérieures, les entreprises et les ménages ne sont pas excessivement endettés. Si l’on ajoute à cela les avantages offerts par les baisses de taux à venir, le ralentissement devrait rester limité.
Parallèlement, nous nous attendons à un retour de l’inflation à l’objectif de 2% fixé par la Réserve fédérale américaine d’ici à la fin de l’année prochaine, même si cela ne se fera pas sans heurts. La reprise attendue des emprunts du secteur privé et la solidité sous-jacente de l’économie semblent nous annoncer que les attentes du marché, qui table sur huit baisses de taux d’un quart de point entre aujourd’hui et l’été prochain, sont trop agressives (voir Fig. 2).
Dans le reste du monde, la croissance de la zone euro a récemment approché son potentiel, même si elle le doit avant tout aux exportations nettes et non pas à la force des économies nationales au sein du bloc monétaire. Par ailleurs, la hausse des prix des biens implique que la dynamique de l’inflation se situe bien au-dessus de l’objectif de la Banque centrale européenne, même si elle devrait s’apaiser dans les mois à venir.
Nos indicateurs de liquidité penchent légèrement vers un assouplissement des conditions monétaires à l’échelle mondiale. Alors que 26% des principales banques centrales des marchés développés et émergents assouplissaient leur politique le mois dernier, ce rapport a augmenté à 33% nets.
La fin du resserrement quantitatif des banques centrales, notamment de la Fed, une mesure qui complète naturellement les baisses de taux, devrait stimuler la liquidité. À défaut d’incitations budgétaires supplémentaires de grande envergure, les banques centrales chercheront à stimuler la croissance du crédit privé pour soutenir les expansions économiques. Nous nous attendons ainsi à voir la création de crédit amplifier les effets de l’assouplissement monétaire.
Nos indicateurs de valorisation montrent que les actions restent très onéreuses, même si elles se situent légèrement en retrait de leur niveau du mois dernier en raison d’une prime de risque sur les actions plus élevée. Nous pensons que les prévisions de bénéfices sont trop haussières. Elles intègrent une croissance économique toujours aussi stable au lieu d’envisager, comme nous, un ralentissement et une chute du pouvoir de fixation des prix. Les obligations semblent également plus chères une fois intégrée aux cours la série de baisses agressives des taux directeurs. Par exemple, le rendement des bons du Trésor américain à 10 ans est désormais inférieur de 30 points de base à notre estimation de la juste valeur. Les liquidités, en revanche, semblent offrir une valeur intéressante.
Nos indicateurs techniques montrent que le sentiment vis-à-vis des actions américaines se situe à des niveaux élevés, les investisseurs particuliers étant fortement optimistes. Le positionnement sur les contrats à terme sur le S&P 500 n’atteint pas ses niveaux records, mais reste élevé. Parallèlement, les spéculateurs ont renforcé leurs positions courtes sur les contrats à terme obligataires. Après un pic de volatilité en début de mois, le marché des actions américain a enregistré le recul le plus rapide de son histoire, et a retrouvé sa tendance à long terme.
Secteurs et régions des actions: miser sur les valeurs financières
Les actions ont connu de nombreux rebondissements en raison de points de vue changeant radicalement sur l’économie mondiale et les bénéfices des entreprises, ainsi que sur la trajectoire probable des taux d’intérêt.
Les prochains mois ne seront vraisemblablement pas non plus de tout repos, notamment parce que les investisseurs devront faire face au début d’un cycle de baisse des taux mené par la Fed, ainsi qu’aux élections américaines en novembre. Ces deux facteurs pourraient provoquer une forte divergence dans la performance des différents secteurs des actions.
Les valeurs financières font partie des points forts. Malgré des rendements obligataires en baisse, le secteur devrait bénéficier du raidissement de la courbe des taux, une dynamique qui signifie que les revenus nets des banques restent soutenus. Les bénéfices devraient également rebondir grâce à la forte croissance des prêts, les banques centrales assouplissant leur politique dans un contexte macroéconomique favorable. Par la suite, les élections américaines pourraient entraîner une déréglementation du secteur bancaire. Les fondamentaux sont également favorables, les valorisations restant bon marché et la dynamique des bénéfices très solides (voir Fig. 3). Selon Lipper Alpha Insight, au deuxième trimestre, les valeurs financières ont enregistré le plus fort pourcentage de hausse des bénéfices parmi tous les secteurs du S&P 500. Si nous y ajoutons la bonne forme des dividendes et des rachats d’actions, les arguments ne manquent pas en faveur d’une surpondération des valeurs financières.
Nous apprécions également les sociétés du secteur des services de communication, qui bénéficient de l’exposition à des tendances séculaires, telles que les progrès de l’intelligence artificielle. En effet, l’un des messages à retenir de la dernière saison de résultats est le maintien des dépenses d’investissement dans les technologies, les entreprises considérant le sous-investissement comme un risque plus important que le surinvestissement. Les rachats d’actions plus élevés que la moyenne (avec un rendement de rachat net supérieur à 3% pour le secteur contre moins de 2% pour le marché) offrent au secteur un point d’appui supplémentaire.
Par ailleurs, nous conservons toutefois certaines positions défensives pour nous protéger contre la possibilité d’une volatilité durable des marchés, contre les risques pesant sur la croissance économique et contre l’incertitude au sujet de la future politique américaine à l’approche des élections.
Pour nous, cela comprend une surpondération des services aux collectivités, un secteur qui propose des caractéristiques défensives et des bénéfices stables, associés à des valorisations attrayantes. Ces qualités seront mises à profit en cas de ralentissement de la croissance économique lié à la consommation.
Sur le front régional, notre surpondération de la Suisse, qui compte un nombre inhabituellement élevé d’entreprises de qualité aux bénéfices stables, apporte une protection supplémentaire contre un fléchissement de la conjoncture. Les sociétés suisses se négocient en outre à des valorisations attrayantes compte tenu de leur rentabilité supérieure.
Par ailleurs, nous percevons encore un certain potentiel dans les actions japonaises. Ce marché présente la plus forte dynamique bénéficiaire parmi toutes les régions de notre modèle. Le Japon constitue en outre l’une des rares économies où nous prévoyons une reprise significative de la croissance en 2025.
La route pourrait tout de même être tortueuse : les actions japonaises ont été particulièrement volatiles ces dernières semaines, inscrivant notamment une baisse de 12% sur une journée suivie d’une reprise complète dans les deux jours qui ont suivi. Cela dit, fondamentalement, elles sont encore soutenues par les réformes de la gouvernance d’entreprise, des mesures tangibles étant prises pour augmenter les versements aux actionnaires.
Nous sommes neutres vis-à-vis des actions américaines. Du côté des bonnes nouvelles, les récentes hausses de l’indice S&P 500 concernent un nombre de plus en plus large de valeurs, au lieu d’être le fait d’une poignée d’actions de grande capitalisation. Pourtant, les fondamentaux sont moins favorables. Nous nous attendons à un ralentissement de la croissance économique américaine à 1,5% en 2025, contre 2,4% cette année. Nous pensons également que les bénéfices pourraient fortement décevoir à moyen terme. Notre modèle descendant table sur une croissance des bénéfices de seulement 5,2% en 2025 sur le premier marché d’actions au monde, soit un tiers du rythme actuellement attendu par les analystes bottom-up, selon I/B/E/S.
Obligations et devises: réduire les bons du Trésor, rester fidèle à l’or
Plusieurs données économiques moroses récemment publiées aux États-Unis ont douché les prévisions d’un cycle d’assouplissement monétaire plus agressif de la part de la Fed.
Les marchés obligataires montrent que les investisseurs misent désormais sur une baisse des taux d’intérêt américains de pas moins de 200 points de base d’ici au milieu de l’année prochaine.
Cela dit, ce scénario contredit notre propre opinion selon laquelle l’économie américaine connaîtra un atterrissage en douceur et les pressions sur les prix resteront élevées pendant un certain temps, avant un retour de l’inflation à l’objectif de 2% fixé par la Fed d’ici à la fin de l’année 2025.
Selon nous, la Fed a peu de raisons de baisser ses taux davantage que ses annonces. Nous tablons toujours sur un début du cycle d’assouplissement de la banque centrale en septembre, avec une baisse de 25 points de base, pour un total de cinq baisses d’ici à juin prochain.
Dans ce contexte, nous rétrogradons les actions américaines à neutre. Le rendement de référence à 10 ans est inférieur d’environ 30 points de base à notre estimation de la juste valeur de 4% à la fin de l’année. Comme le montre la Fig. 4, les rendements obligataires ne sont plus attrayants au regard de la croissance du PIB nominal. Ils sont en effet retombés alors qu’ils étaient entrés en territoire positif pour la première fois en plus de 10 ans.
Néanmoins, les bons du Trésor protégés contre l’inflation (TIPS) constituent encore une bonne réserve de valeur et leurs valorisations semblent plus attrayantes, notamment compte tenu des risques d’inflation persistants à moyen terme.
Nous restons également neutres concernant le crédit. Malgré des rendements toujours attrayants, nous percevons une marge limitée pour le resserrement des spreads compte tenu du ralentissement de la dynamique économique.
Nous maintenons une sous-pondération des obligations d’État suisses, qui restent l’une des classes d’actifs obligataires les plus onéreuses de notre modèle et offrent un rendement faible de seulement 0,5%.
Notre conviction en faveur de l’or reste inchangée. Le métal précieux a peut-être atteint un niveau record, mais nous n’anticipons aucun changement de situation susceptible de lui faire de l’ombre.
Le début imminent d’un cycle d’assouplissement de la part de la Fed réduit le coût d’opportunité associé à la détention d’un actif non rentable comme le métal jaune. Nous observons déjà les premiers signes d’une reprise de la demande des investisseurs.
Selon Bloomberg, les positions en or des fonds négociés en bourse ont touché leur plancher à un peu plus de 80 millions d’onces, après avoir reculé par rapport au maximum de plus de 110 millions enregistré mi-2020.
Bien que l’or ne semble pas bon marché d’après notre analyse de valorisation, la demande provenant d’acheteurs insensibles aux prix, tels que les banques centrales des marchés émergents, a été forte ces dernières années.
Qui plus est, l’or constitue encore une couverture efficace contre des tensions géopolitiques en hausse, contre l’incertitude suscitée par l’élection présidentielle américaine et contre le retour des préoccupations relatives à la dette et au déficit budgétaire des États-Unis.
L’or représente un investissement de base dans un portefeuille diversifié, plutôt qu’une position tactique. Alors que nous entrons dans une période de faiblesse saisonnière, nous préférons exploiter tout fléchissement pour renforcer notre allocation stratégique.
Sur le marché des changes, nous relevons le franc suisse à neutre. Étant donné que les principales banques centrales mondiales commencent à assouplir leur politique monétaire, ce qui réduit l’écart entre les taux d’intérêt mondiaux et suisses, la monnaie helvète devrait commencer à attirer des flux entrants du fait du dénouement des carry trades.
Nous conservons le positionnement neutre sur le yen. Sur le long terme, la monnaie japonaise devrait profiter des hausses progressives des taux d’intérêt menées par la Banque du Japon (BOJ). C’est pourquoi le positionnement se tend, les investisseurs mondiaux étant longs sur cette monnaie pour la première fois depuis 2021.
En outre, à court terme, nous pensons que la BOJ se montrera prudente après la récente période de volatilité et face à la vigueur du yen, étant donné qu’un dollar s’échangeant sous les 145 yens commencerait à nuire à la rentabilité des entreprises japonaises et à augmenter l’inflation importée.
Vue d’ensemble des marchés mondiaux: les actions se reprennent, l’or brille
Les actions mondiales ont surperformé les obligations en août et terminé le mois en hausse de près de 2%. Elles ont rebondi après la panique qui avait provoqué une correction en début de mois.
Les craintes d’une éventuelle récession aux États-Unis, associées à une hausse des taux d’intérêt menée par la Banque du Japon, ont provoqué d’importantes ventes d’actifs risqués et la liquidation de positions courtes sur le yen.
Les actions américaines ont progressé de 2,4%, soutenues en fin de mois par les attentes croissantes vis-à-vis de la Fed concernant le début de son cycle de politique monétaire plus accommodante.
Le sentiment haussier était palpable sur le marché des fonds négociés en bourse. Les ETF observent en effet depuis quatre mois consécutifs une hausse simultanée de la dette publique, du crédit aux entreprises et des actions. Il s’agit de la plus longue période de flux entrants coordonnés depuis 2007 au moins.
Les actions japonaises ont été les moins performantes, avec un recul de 2,7% en devise locale. Elles n’ont pas su trouver de point d’appui après avoir enregistré leur plus forte chute sur un jour depuis le krach du lundi noir, en 1987.
Les actions de la zone euro et du Royaume-Uni ont enregistré des gains modérés d’environ 1% en devises locales. Elles ont également profité des attentes concernant un assouplissement de la politique monétaire. Au niveau sectoriel, l’immobilier, la santé et les biens de consommation de base ont été les plus grands gagnants à l’échelle mondiale, avec des progressions supérieures à 4%. À l’inverse, les valeurs du secteur de l’énergie ont cédé plus de 1%.
L’or a terminé le mois en hausse de plus de 3% après avoir battu un record historique au cours du mois (voir Fig. 5).
Sur le marché des obligations souveraines, les bons du Trésor américain ont grimpé de 1,4%, les responsables politiques de la Fed ayant affirmé qu’une baisse des taux d’intérêt était nécessaire pour éviter une récession.
Les obligations d’État japonaises ont également enregistré de forts flux entrants et terminé le mois en hausse de 1,5%. La BOJ a en effet déclaré qu’elle ne remonterait pas les taux d’intérêt en cas d’instabilité des marchés. La dette en devise locale des marchés émergents a rebondi face à l’affaiblissement du dollar.
Les perspectives de baisse du coût des emprunts et de croissance économique modérée ont stimulé le crédit aux entreprises. Les obligations de qualité investment grade et la dette à haut rendement ont ainsi progressé des deux côtés de l’Atlantique.
Parmi les devises, le dollar a cédé plus de 2% par rapport aux principales devises, avec des pertes particulièrement marquées face au dollar australien et au franc suisse. L’euro, le yen et la livre sterling ont gagné environ 2%.