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Baromètre: Un marché plein d’entrain
Allocation d’actifs: rester avec les actions
Bien que la situation économique et l’état des liquidités dans le monde soient loin de prêter à l’optimisme, nous percevons des poches d’amélioration favorables aux actifs risqués.
L’économie américaine reste résiliente, tandis que la Chine montre des signes de reprise. En outre, la plupart des grandes banques centrales devraient commencer à réduire leurs taux d’intérêt dans quelques mois et les banques sont prêtes à prêter davantage. C’est en partie en réponse à cela que nous avons relevé nos prévisions pour les bénéfices des entreprises mondiales cette année à 8,1%, contre 7,2% précédemment, ce qui correspond largement aux estimations du consensus.
Nous sommes conscients que les actions sont de plus en plus chères, en particulier sur des marchés comme les États-Unis et le Japon. Pourtant, nous ne pensons pas qu’une bulle est en train de se former.
Compte tenu de tous ces éléments, l’équilibre des risques annonce une poursuite du rebond des marchés d’actions. Nous restons donc surpondérés en actions, neutres en obligations et sous-pondérés en liquidités.
Selon notre analyse du cycle conjoncturel, aux États-Unis, la demande intérieure, soutenue par un marché du travail tendu, reste le moteur de la croissance.
Malgré une conjoncture économique saine, nous prévoyons toujours que la Réserve fédérale américaine commencera à baisser les taux d’intérêt dès le mois de juin pour un total de 2 à 3 réductions, malgré les doutes que fait peser la persistance de l’inflation sur l’ampleur de l’assouplissement. Selon nous, le taux des fonds fédéraux terminera l’année à 4,50-4,75%.
D’autres grandes économies majeures ne sont pas en aussi bonne forme.
Le Japon est au bord de la récession avec une production industrielle, des ventes au détail et un marché du logement qui commencent tous à fléchir. La demande intérieure continue cependant de tenir et les marchés de l’emploi restent tendus, autant d’éléments soutenant ce que la Banque du Japon considère comme un cycle vertueux de hausse des revenus et des dépenses.
Dans une décision largement annoncée, mais néanmoins historique, la BoJ a mis fin à huit années de taux négatifs et d’autres politiques non orthodoxes et a relevé les taux d’intérêt pour la première fois en 17 ans. Selon nous, la banque centrale nippone devrait relever son taux directeur de 20 à 25 points de base cette année, mais l’inflation supérieure à l’objectif pourrait provoquer un nouveau resserrement.
Cela dit, l’attractivité de l’archipel ne devrait pas souffrir des hausses de taux d’intérêt cette année, car la politique monétaire reste accommodante et les investisseurs nationaux disposent de considérables liquidités peu attrayantes et prêtes à être déployées.
La croissance dans la zone euro, bien que faible à l’heure actuelle, devrait progressivement dépasser son potentiel au deuxième semestre de cette année, avec l’atténuation des pressions inflationnistes. La Banque centrale européenne pourra ainsi probablement baisser les taux d’intérêt dans les mois à venir.
On observe les premiers signes indiquant que l’économie chinoise approche de son point bas. Les données publiées jusqu’à présent cette année correspondent à un chiffre du PIB au premier trimestre d’environ 7 points de pourcentage, un bon démarrage au regard de nos prévisions de croissance annuelle de 4,9%. Selon une enquête composite auprès des directeurs d’achats, l’activité dans l’industrie et les services augmente à nouveau.
Néanmoins, nous pensons qu’il est trop tôt pour faire preuve d’optimisme concernant les perspectives économiques en Chine étant donnés les nombreux faux départs qui se sont déjà produits. En outre, il est peu probable que la banque centrale chinoise accélère le rythme et l’ampleur de l’assouplissement monétaire compte tenu de son objectif de désendettement et de maintien de la stabilité monétaire.
En dehors de la Chine, les économies émergentes connaissent une forte croissance. Nous prévoyons que l’écart de croissance entre les marchés développés et les marchés industrialisés se creusera davantage et atteindra son plus haut niveau en deux ans à près de 3 points de pourcentage (moyenne mobile sur 12 mois), ce qui est supérieur à la moyenne à long terme de 2,1% et annonce un renforcement des monnaies locales à moyen terme.
Notre analyse des conditions de liquidité ne donne pas de signal particulièrement haussier ou baissier pour les classes d’actifs risquées. Cet indicateur devrait tout de même s’améliorer à court terme pour les actions et les obligations plus risquées lorsque les banques centrales développées se joindront à leurs homologues émergentes dans l’assouplissement des politiques monétaires.
Les banques commerciales des États-Unis et de la zone euro, qui sont de plus en plus disposées à prêter, et en mesure de le faire, pourraient donner un coup de pouce supplémentaire aux liquidités, ce qui est de bon augure pour la liquidité générée par le secteur privé.
Nos chiffres des valorisations montrent une baisse de l’attractivité des actions par rapport aux obligations. La prime de risque des actions – qui mesure une performance excédentaire perçue par les investisseurs en actions par rapport à un taux sans risque – est tombée à 3,5%, contre une moyenne historique de 4-4,5%. Les bénéfices des entreprises mondiales devraient tout de même rester solides, le consensus ne prévoyant «aucun atterrissage», soit aucun recul des bénéfices au cours des trois prochaines années.
De plus, nous pensons que les actions n’ont pas encore atteint ce qui pourrait généralement être considéré comme un niveau indicateur d’une bulle. Notre modèle montre que l’indice S&P 500 commence à former une bulle aux alentours de 6 200 points, soit environ 15% de plus que le niveau actuel, avec des ratios cours-bénéfice sur 12 mois de 25x.
Les valorisations des bons du Trésor américain sont correctes. Avec 4,3%, le rendement des titres de référence à 10 ans correspond peu ou prou à sa juste valeur selon notre modèle de valorisation.
Les indicateurs techniques soutiennent notre position globale au sujet de l’allocation d’actifs. Les actions ont attiré pas moins de 52 milliards de dollars de flux entrants ces quatre dernières semaines, les produits de participation américains étant parmi les plus favorisés. Cette tendance semble en mesure de se maintenir. En revanche, les fonds du marché monétaire viennent d’enregistrer leurs plus fortes sorties hebdomadaires en cinq mois.
Secteurs et régions des actions: un marché qui s’élargit
Nous maintenons notre positionnement régional et sectoriel en actions en complément de la surpondération globale de la classe d’actifs. Même si nous sommes conscients que le marché pourrait refluer après le solide début d’année et l’excellent exercice 2023 enregistrés, nos inquiétudes sont pour l’instant apaisées par le fait que le rebond s’est étendu à la plupart des secteurs.
Face à la nette remontée des actions, les investisseurs ont soit poursuivi la dynamique, en achetant continuellement les actions aux plus-values les plus fortes, soit se sont concentrés sur la qualité, en achetant les titres des entreprises aux bénéfices les plus fiables. Nos indicateurs techniques montrent que les opérations menées dans deux stratégies, qui se chevauchent largement, sont désormais excessivement populaires, ce qui expose ces actions à un risque d’inversion: tout brusque changement de sentiment pourrait provoquer une fuite des investisseurs de ces segments de marché encore plus rapide que leur ruée actuelle.
Néanmoins, les gains ne se concentrent plus uniquement sur les Magnificent 7, les géants technologiques américains qui ont tiré la performance du marché en 2023. En fait, quelques-unes de ces valeurs ont commencé à céder du terrain. À l’inverse, les plus-values se sont étendues aux secteurs cycliques tels que l’énergie, les matériaux et la finance, les meilleurs élèves du mois de mars. Le caractère exceptionnel des géants technologiques expliquait l’étroitesse des gains enregistrés sur le marché l’année dernière, dans un environnement de faible croissance et de taux plus élevés pendant plus longtemps. Pourtant, aujourd’hui, les investisseurs tablent de plus en plus sur une croissance qui reste solide, tout en anticipant le début d’un cycle d’assouplissement. Le marché bénéficie ainsi d’un soutien plus large (voir Fig. 3).
Cet élargissement s’applique même au sein des segments de marché. Par exemple, dans le domaine de l’IA, les investisseurs ne se concentrent plus uniquement sur les fabricants de semi-conducteurs spécialisés, mais se tournent aussi vers d’autres maillons de la chaîne de valeur, tels que les fournisseurs de services cloud de très grande taille qui sont capables de gérer les demandes de puissance de calcul liée à l’IA.
Un risque de correction pourrait commencer à peser sur le secteur technologique, mais nous pensons que ce n’est pas encore le cas. En outre, bien que l’écart de dynamique entre les bénéfices des géants technologiques et le reste du marché américain se referme, les solides perspectives de profits dans les secteurs de la technologie et des services de communication les maintiennent en tête du marché.
Compte tenu de la dynamique solide des bénéfices, nous maintenons la surpondération des actions japonaises, qui profitent des réformes de la gouvernance d’entreprise, de la sous-pondération des investisseurs sur ce marché et de valorisations raisonnables. Compte tenu de notre préférence pour les actions de qualité, nous surpondérons également encore les actions suisses. Enfin, nous restons surpondérés dans les services de communication vu la valorisation raisonnable du secteur et l’exposition à des thèmes structurels tels que l’IA.
Obligations et devises: les baisses arrivent
Le ton accommodant utilisé dans les annonces des banques centrales a réaffirmé les prévisions de baisses imminentes des taux d’intérêt. Dans un tel environnement, nous sommes tentés de verrouiller, tant qu’ils sont encore disponibles, les rendements les plus élevés que notre tolérance au risque permet.
Le marché américain présente certaines des opportunités les plus attrayantes à l’heure actuelle, aussi bien dans les bons du Trésor que dans le crédit investment grade. Le rendement de référence à 10 ans dépasse de 20 points de base notre estimation en fin d’année de sa juste valeur (4,0%) ce qui dénote une performance totale d’environ 5% pour le reste de l’année 2024.
Les obligations américaines de qualité investment grade, quant à elles, devraient bénéficier d’une dynamique positive et en amélioration en provenance des bénéfices des entreprises. Selon nos prévisions macroéconomiques, les bénéfices des entreprises américaines devraient progresser d’environ 8% cette année. Même si le crédit investment grade n’est plus bon marché, il offre encore une valeur supérieure aux actions américaines.
La dette en devise locale des marchés émergents est une autre source de rendements attrayants. Nous nous attendons à voir l’activité économique dans les pays émergents dépasser légèrement son potentiel, ce qui creuse l’écart de croissance par rapport à leurs homologues développés. Le commerce mondial se stabilise et les taux d’intérêt ont atteint leur point haut, ce qui est particulièrement favorable aux marchés émergents. Les baisses de taux attendues de la part de la Fed devraient maintenir le dollar sous cloche, mais également donner aux banques centrales des marchés émergents une certaine marge de manœuvre pour baisser leurs taux en cas de besoin. Tout cela devrait soutenir les obligations et les devises des marchés émergents.
Nous percevons également encore un certain potentiel dans les obligations d’État britanniques. Malgré leur récente surperformance, les gilts continuer d’afficher des valorisations attrayantes selon notre modèle. Il s’agit du seul marché où, d’après notre analyse, le niveau des rendements obligataires est supérieur à la croissance tendancielle nominale. Nous pensons que cet écart se refermera lorsque la Banque d’Angleterre réduira les taux, peut-être même dès le mois de mai.
À l’inverse, nous maintenons la sous-pondération des obligations japonaises et suisses, qui affichent des rendements relativement faibles. Ces dernières semblent encore moins attrayantes après la baisse surprise des taux de 25 points de base appliquée par la Banque nationale suisse en mars.
Il est vrai que la Banque du Japon a pris une direction opposée avec la récente annonce de la fin très attendue de son contrôle de la courbe des taux et de ses politiques de taux d’intérêt négatifs. Néanmoins, les relèvements seront probablement modestes et sont déjà, en grande partie, pris en compte.
Même si nous ne tablons pas sur une hausse des obligations au Japon, nous continuons de voir dans la monnaie nippone un refuge potentiel en cas de dégradation inattendue des conditions économiques. En outre, quand les États-Unis commenceront à assouplir leur politique, le différentiel de taux sera moins néfaste pour le yen (voir Fig. 4).
Nous conservons également une position surpondérée sur l’or. Bien qu’il affiche un double score négatif sur notre modèle de valorisation, le métal jaune offre une couverture contre deux des principaux risques actuels: une croissance économique faible et une inflation étonnamment tenace.
Vue d’ensemble des marchés mondiaux : une ruée vers l’or
Les actions ont surperformé les obligations en mars. En effet, les marchés tablent de plus en plus sur le fait que les banques centrales des marchés développés vont suivre leurs homologues émergentes et réduire les taux d’intérêt dans les mois à venir, une décision favorable aux bénéfices des entreprises.
Les anticipations de baisse des taux ont provoqué une ruée vers l’or, qui a gagné plus de 8% et a touché un record historique de 2 160 USD l’once, ce qui en a fait l’actif affichant la surperformance la plus forte en mars. Les actions américaines, européennes et japonaises ont progressé de 3 à 4%. Les actions nippones restent les plus grandes gagnantes jusqu’à présent cette année, avec des gains de près de 20% depuis janvier. Un cycle vertueux de hausse des salaires, d’augmentation des dépenses de consommation et d’inflation modérément plus élevée devrait soutenir la croissance de la troisième économie mondiale.
Les actions du secteur de l’énergie ont surperformé celles d’autres secteurs, les prix du pétrole ayant continué à grimper dans un contexte de tensions géopolitiques persistantes et de résilience de l’économie mondiale. Dans l’informatique, elles ont marqué une pause après les gains spectaculaires enregistrés ces derniers mois, et terminé le mois de mars sur une hausse de 2,5%.
Les obligations ont clôturé le mois en légère hausse, alors que les attentes au sujet des baisses de taux d’intérêt soutenaient les obligations souveraines des marchés développés. Les obligations d’État japonaises ont affiché de faibles gains après la décision largement attendue de la Banque du Japon de mettre fin aux taux d’intérêt négatifs et le maintien des achats mensuels d’obligations du gouvernement japonais.
Les obligations d’État suisses ont progressé de près de 1% après que la Banque nationale suisse a surpris les marchés en abaissant de 25 points de base le taux directeur à 1,5%, et ce, avec plusieurs mois d’avance sur ses homologues mondiaux, les décideurs politiques cherchant à éviter une appréciation du franc.
Dans le crédit, les obligations d’entreprises des deux côtés de l’Atlantique ont progressé d’environ 1%, les investisseurs étant de plus en plus confiants au sujet des perspectives de croissance économique.
Sur les marchés des devises, le dollar a gagné du terrain au cours du mois, laissant les autres grandes devises dans le rouge. Le yen japonais a cédé près de 1%, de plus en plus d’acteurs estimant que la Banque du Japon avait peu de chances de se lancer dans des hausses agressives des taux d’intérêt. La lire turque a atteint un plancher historique et a terminé le mois en baisse de plus de 3%, les sorties de capitaux s’intensifiant en raison d’une économie aux prises avec une inflation galopante.