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Baromètre: Les actions devraient encore profiter de la croissance des bénéfices du secteur technologique
Allocation d’actifs: les actions maintiennent leur bonne forme
Aux États-Unis, compte tenu de la résilience de l’économie et d’une inflation qui refuse de revenir rapidement vers l’objectif fixé par la Réserve fédérale américaine, nous maintenons la surpondération des actions et des obligations neutres.
Nous restons d’avis que la croissance économique ralentira plus tard dans l’année, mais ce calendrier s’allonge. Les bénéfices des entreprises restent porteurs et la Fed montre clairement qu’elle ne souhaite pas se lancer trop tôt dans l’assouplissement monétaire. Alors qu’il y a quelques mois, nous considérions que les valorisations des obligations étaient attrayantes, nous pensons maintenant qu’elles sont justes; les perspectives à court terme pour les actions restent en revanche encourageantes. Comme le montre la figure 2, les bénéfices des entreprises cotées à travers le monde ont salué l’amélioration des données économiques américaines.
Si l’on en croit nos indicateurs de l’activité des entreprises, l’économie américaine est plus forte que ce que nous avions prévu auparavant et c’est l’une des raisons pour lesquelles nous restons surpondérés en actions mondiales.
Si les consommateurs américains continuent à dépenser beaucoup plus qu’ils épargnent (le taux d’épargne aux États-Unis se situe actuellement à 3-4% du revenu disponible, contre un niveau historique de 7-10%), les pressions sur la croissance et l’inflation pourraient rester élevées pendant un certain temps. Il semble que l’inflation va persister, étant donné que les hausses de prix dans les secteurs des services restent fortes et que la situation est encore tendue sur le marché du travail.
Dans l’ensemble, nous pensons toutefois que les dépenses des consommateurs et des entreprises finiront par refluer et se rapprocheront des autres segments, déjà à la peine, de l’économie américaine, comme le secteur résidentiel.
Contrairement aux États-Unis, la zone euro flirte depuis quelques mois avec la récession en raison de la faiblesse de l’activité manufacturière. La croissance devrait toutefois reprendre, car le choc de l’offre post-Covid et les retombées de la guerre en Ukraine s’atténuent. Ailleurs en Europe, l’économie britannique est stable, la construction y est en difficulté et le marché du travail, jusqu’ici tendu, commence à s’assouplir. En outre, certains signes annoncent un début de reprise des prévisions d’inflation, ce qui limite les possibilités pour la Banque d’Angleterre de réduire les taux d’intérêt.
L’économie japonaise connaît également quelques premiers ratés. Les ventes au détail reculent, tout comme les commandes d’équipements industriels. La production industrielle reste également très faible. Néanmoins, le Japon devrait tout de même enregistrer une croissance proche de son potentiel à long terme, la longue période de déflation qu’il a connue étant enfin terminée.
Nos indicateurs de liquidité renforcent les arguments en faveur d’une surpondération des actions. Ils montrent une augmentation à court terme de l’offre de liquidités en provenance des banques centrales et des banques du secteur privé. Même la banque centrale suisse a commencé à passer du resserrement quantitatif à l’assouplissement. Il n’est toutefois pas certain que cet assouplissement va s’accélérer. Si l’on en croit les signaux qu’elle émet, les banquiers centraux de la Fed considèrent que le risque d’attendre un peu plus longtemps avant de réduire les taux est moins élevé que celui de les abaisser trop tôt et de devoir ensuite faire machine arrière.
En ce qui concerne le crédit privé, les banques commencent à assouplir les normes d’accès au crédit. Il est encore tôt, mais le cap est clair. Néanmoins, c’est une question majeure.
Ailleurs, la banque centrale chinoise a accéléré le rythme modeste affiché par l’assouplissement de sa politique. Elle garde tout de même l’œil sur toute instabilité potentielle sur le marché des changes, qui risquerait de limiter les répercussions de ses mesures. Pour l’instant, elle se concentre sur l’octroi de crédit ciblé.
Selon nos indicateurs de valorisation, les actions s’échangent à leurs niveaux les plus élevés depuis décembre 2021. Comme les actions américaines se négocient à des multiples de 20,5x les bénéfices, ce qui est nettement supérieur à la moyenne sur 10 ans de 17,5x, il semble que le marché ne dispose que d’une marge de manœuvre limitée pour des gains supplémentaires significatifs. Pourtant, les bénéfices des entreprises ont été solides et les projections du consensus des analystes pour 2024 sont désormais raisonnables, compte tenu de la résilience continue de la croissance mondiale. Les obligations sont légèrement plus attractives, avec des obligations d’État américaines à leur juste valeur et des bons du Trésor protégés contre l’inflation affichant également des niveaux raisonnables. Les Gilts semblent eux aussi attrayants, bien qu’ils soient vulnérables aux actualités concernant le budget à venir.
Nos indicateurs techniques montrent que les actions peuvent compter sur une tendance solide, ce qui est moins le cas pour les obligations. En outre, les obligations chinoises semblent surachetées.
Cependant, les données sur le positionnement des investisseurs donnent une image moins positive des actifs plus risqués.
Selon les enquêtes sur les marchés, le sentiment vis-à-vis du risque chez les investisseurs professionnels est bien installé en territoire haussier, les gérants de fonds ayant réduit leurs positions liquides au profit d’une surpondération des actions depuis deux ans. De plus, les flux de portefeuille en direction des fonds d’actions et des fonds obligataires ont été solides, tandis que ceux qui sont orientés vers les fonds du marché monétaire ont ralenti. Tout cela suggère une marge moins grande pour une prolongation du rebond du marché.
Secteurs et régions des actions: le règne des géants technologiques
Un véritable gouffre s’ouvre au sein des actions mondiales. D’un côté, les actions du secteur informatique, dominées par les sociétés technologiques surnommées les «Sept Magnifiques». En face, pratiquement tous les autres titres.
Le secteur technologique a enregistré un rebond d’environ 50% au cours des 12 derniers mois, soit plus du double de la progression du marché boursier mondial dans son ensemble. Dès lors, les valorisations semblent très tendues: la technologie est le secteur le plus cher de notre modèle mondial, alors que le ratio cours/bénéfices du reste du S&P 500 s’élève à 18x, celui des actions des «Sept Magnifiques» est de 29x, ce qui est clairement onéreux. Cela dit, nous pensons que le règne de la technologie pourrait encore durer. En effet, cette fois-ci, l’exubérance du marché s’appuie sur les fondamentaux.
Lors de la récente saison des bénéfices, le secteur technologique s’est clairement positionné tout en haut du podium, principalement grâce à la spectaculaire croissance de l’intelligence artificielle. Au sein du S&P 500, 89% des entreprises technologiques surperforment les estimations trimestrielles des analystes, contre un niveau moyen de 77% dans l’indice. Et surtout, les perspectives de bénéfices futurs restent prometteuses. Notre analyse suggère que si l’on intègre les prévisions de bénéfices des analystes, les «Sept Magnifiques» ne sont pas si chers qu’ils apparaissent de prime abord face au marché dans son ensemble (voir Fig. 3).
Nous continuons donc de surpondérer la technologie, ainsi que les services de communication. Ceux-ci offrent une exposition à des tendances technologiques similaires, mais à des valorisations plus convenables.
La domination du secteur technologique a également des implications sur la performance des marchés d’actions régionaux et nationaux. Dans une certaine mesure, elle devrait par exemple soutenir le marché américain, où la technologie et les services de communication représentent environ 38% du S&P 500. Ainsi, même si nous considérons qu’elles sont chères, compte tenu des solides fondamentaux dans le secteur technologique, nous n’avons aucun problème à maintenir une position neutre sur les actions américaines.
En revanche, la faible exposition du marché britannique aux technologies (les technologies et les télécommunications ne représentent que 2% du FTSE 100) est l’une des raisons pour lesquelles nous avons décidé de rétrograder les actions britanniques à sous-pondérer. Le contexte économique de l’archipel en est un autre. Selon nous, l’économie britannique n’enregistrera aucune croissance en 2024. À l’approche des élections, on ne peut savoir avec certitude si l’économie bénéficiera prochainement d’un soutien monétaire ou budgétaire, une situation inconfortable pour le marché d’actions local. Enfin, la dynamique des bénéfices des actions reste faible dans la zone.
Ailleurs, nous maintenons notre surpondération du Japon et de la Suisse. Le Japon bénéficie de vents favorables structurels permis par les réformes des entreprises, par une économie sortant de la déflation et par un yen toujours faible. La Suisse, quant à elle, offre une exposition à des actions de qualité à un prix raisonnable.
Par ailleurs, conscients de la résilience persistante de la consommation américaine et du potentiel de reprise des dépenses en Europe, nous avons relevé les actions du secteur des biens de consommation discrétionnaire à neutre et abaissé les biens de consommation de base, également à neutre.
Obligations et devises: les obligations à haut rendement américaines rémunèrent mieux le risque
La solidité continue de l’économie américaine brosse un tableau plus positif pour les crédits risqués, tels que le haut rendement.
La résilience des États-Unis, notamment en matière de consommation et de dépenses d’investissement, laisse entendre que l’expansion de la première économie mondiale pourrait se poursuivre un peu plus longtemps avant qu’elle finisse par ralentir.
C’est de bon augure pour les obligations à haut rendement américaines. Comme cette dette affiche un rendement d’environ 8%, maintenir une position sous-pondérée dans la classe d’actifs implique de renoncer à un niveau de performance considérable – trop élevé, selon nous.
Nous trouvons les obligations à haut rendement américaines à échéance plus courte particulièrement attrayantes, car elles offrent des performances élevées, sans présenter les risques de refinancement et de crédit plus élevés associés aux dettes à plus longue échéance.
Néanmoins, certains risques demeurent: la conjoncture économique pourrait se dégrader si les entreprises suspendent leurs investissements dans l’attente de l’élection présidentielle américaine de novembre.
C’est pourquoi nous préférons un relèvement plus prudent des obligations à haut rendement américaines, et les passons de sous-pondérer à neutre plutôt que surpondérer.
Notre surpondération des bons du Trésor américain reste inchangée.
Bien que la classe d’actifs attire une forte demande de la part d’investisseurs privés étrangers, les valorisations sont restées justes. Le rendement de référence à 10 ans dépasse de 40 points de base notre estimation en fin d’année de sa juste valeur, 3,9%, ce qui dénote une performance totale d’environ 7 à 8% pour la classe d’actifs en 2024.
Les bons du Trésor protégés contre l’inflation (TIPS) semblent également attrayants étant donné que l’inflation dans les secteurs des services refuse obstinément de reculer.
Nous apprécions également les gilts britanniques, puisque la BOE pourrait être la première grande banque centrale d’un pays développé à réduire les taux d’intérêt au cours des prochains mois grâce à la baisse de l’inflation et à la faible croissance.
Nous conservons nos positions surpondérées en dette émergente en monnaie locale. Nous estimons que, dans les pays émergents, la marge de manœuvre pour une poursuite de l’assouplissement monétaire est considérable, en particulier lorsque la Fed commencera à abaisser ses taux. Les investisseurs de cette classe d’actifs devraient également bénéficier de la probable appréciation des devises des marchés émergents. Nos modèles montrent qu’elles se négocient jusqu’à 20% en dessous de leur juste valeur.
Nous sous-pondérons les obligations suisses et japonaises, des titres à faible rendement émis par des pays qui resserrent leur politique monétaire. La Banque du Japon est prête à relever les taux d’intérêt au cours des mois à venir, tandis que la Banque nationale suisse vient de procéder à son resserrement quantitatif le plus agressif à ce jour, ce qui a provoqué une forte déflation des prix des produits importés et stoppé dans l’ensemble la dynamique de l’inflation.
Sur le marché des changes, nous ne touchons pas à notre allocation, et conservons un léger biais contre le dollar. Nous surpondérons le yen japonais, une devise refuge qui offre une bonne couverture en cas de ralentissement économique mondial. Nous apprécions également l’or, qui devrait bénéficier de taux d’intérêt plus bas et d’un dollar en berne.
Vue d’ensemble des marchés mondiaux : le Japon et la technologie en tête
Les actions ont nettement surperformé les obligations en février. Elles ont en effet profité des bons résultats trimestriels des entreprises, tandis que les marchés obligataires ont été déstabilisés par des données annonçant une inflation plus forte que prévu. L’indice MSCI World a terminé en hausse de près de 5% en devise locale. Les obligations d’État des États-Unis et de la zone euro ont cédé environ 2% au total.
Les actions japonaises font partie des marchés les plus performants. Le Nikkei a battu le record qu’il avait atteint en 1989, inscrivant une progression de 17,5% depuis le début de l’année, tandis que l’indice Topix a également clôturé sur un record. Les marchés boursiers japonais ont attiré de nombreux investissements ces derniers mois, et ce, pour plusieurs raisons, notamment une amélioration continue de la gouvernance d’entreprise et une dépréciation du yen qui a stimulé les bénéfices des exportateurs cotés nippons. Les flux destinés aux marchés japonais ont également augmenté alors que les investisseurs étrangers se détournaient de la Chine, les tensions géopolitiques sino-américaines et la baisse des prix de l’immobilier ayant nui aux cours des actions.
Le secteur technologique constituait un autre point fort sur les marchés d’actions. Le Nasdaq, un indice très axé sur la technologie, a clôturé le dernier jour de cotation du mois à un niveau record, les investisseurs s’appuyant sur les résultats trimestriels supérieurs aux prévisions publiés par plusieurs références du secteur, dont le fabricant de puces Nvidia, qui a déclaré que la demande d’intelligence artificielle avait contribué à augmenter ses revenus de près de 250% en glissement annuel.
Alors que les actions rebondissaient, les marchés obligataires ont clôturé le mois dans le rouge. Les données indiquant une persistance inattendue des pressions inflationnistes ont laissé entendre que les banques centrales n’allaient pas réduire leurs taux dans un avenir proche. Les rendements des bons du Trésor américain à 10 ans ont grimpé d’environ 20 points de base à 4,2% à la fin de février. Sur les marchés de la dette d’entreprise, les obligations américaines de qualité investment grade ont été parmi les plus touchées, avec un recul d’environ 1,5%. La forte augmentation de l’offre d’obligations d’entreprises en février pourrait expliquer en partie cette contre-performance. Ce mois-ci, quelque 175 milliards de nouvelles obligations ont été émises sur le marché, soit près de 190 milliards de dollars d’émissions nettes d’obligations depuis le 1er janvier, le début d’année le plus fort depuis au moins sept ans, d’après les chiffres de Bloomberg.