Pictet Group
Alyssa Remtolla
Quand on s’ennuie, on va souvent voir un ami, prendre un café, ou bien on part en voyage. Mais pas Alyssa. «J’ai toujours voulu créer quelque chose.» Pendant cette période particulière, elle a tout d’un coup eu le temps de creuser la question, et elle s’est rapidement mise à la recherche d’un lieu. «Genève compte énormément de salons de thé et de restaurants, mais pas tellement qui soient vraiment fun. Il y avait un marché». Elle a d’abord pensé aux cookies, avant de choisir les gaufres.
Mi-avril 2020, Alyssa avait monté un business plan complet, avec une étude de marché et des prévisions à cinq ans. Et son projet s’est mis en place très vite. «Je m’étais tellement mis cette idée dans la tête que je ne pouvais pas faire machine arrière. De toute façon, j’avais dit à tout le monde que j’ouvrais un salon de thé!» Passer le diplôme de cafetier sur un an, dont l’obtention est obligatoire pour tous les commerces alimentaires, ne l’a pas non plus dissuadée. «Le programme couvre vraiment tous les aspects, des assurances à la comptabilité, jusqu’au recrutement, en passant par les règles d’hygiène et les risques incendie. Ça a été dur. En même temps, je travaillais toujours à temps plein, mais j’ai énormément appris.»
Parallèlement, Alyssa a parlé de son projet à son responsable, au service Compliance, puis finalement aux associés, pour s’assurer qu’il n’y avait pas de conflit d’intérêts avec son poste à la Banque ni de conséquences. «J’allais consacrer tout mon budget mariage au projet. Donc il fallait vraiment que ce soit validé à 100%!». Une fois le feu vert obtenu, elle a officiellement inscrit sa SARL au registre du commerce de Genève en décembre 2020, puis elle a cherché des locaux.
«J’ai pu utiliser l’expérience que j’avais acquise à l’époque où je cherchais une salle pour mon mariage pour trouver le bon pas de porte.» Après pas mal de visites décevantes, Alyssa a trouvé la perle rare, juste à côté du parc, et d’une ligne de tram. «Il fallait refaire les sols, poser une cuisine. Mais les règles du confinement s’étaient assouplies, j’ai trouvé assez facilement des artisans.»
Ensuite, il a fallu passer à la déco. «En fait, c’est mon frère qui a eu l’idée de tout peindre en rose! Il m’a dit, si tu veux te démarquer, il faut y aller franchement.» Si on y ajoute la touche originale apportée par une amie architecte d’intérieur, voilà comment Alyssa s’est retrouvée avec un papier peint orné de flamants roses, des gorilles et des cactus sur les étagères et des ailes d’ange en LED sur les murs! Petit clin d’œil, sans doute: avant, le lieu était une boutique de robes de mariée de luxe. «J’ai gardé la tringle à rideaux et l’éclairage de la cabine d’essayage, qui créent une sorte de petit coin cosy, presque privatif.»
Dernières étapes, il a fallu dessiner un logo, recruter, former le personnel, créer la carte, trouver des fournisseurs de produits bio. Et Waffle of Wonder devait ouvrir en juillet 2021, avec 36 couverts, avec des règles de distances sanitaires encore strictes. «On était encore à l’époque où il fallait s’enregistrer à l’entrée et à la sortie de tous les lieux publics pour savoir où chacun était allé, avec qui il avait été en contact.» Pourtant, les clients étaient au rendez-vous. Ils en ont même redemandé.
Ce qui nous amène à… ces incroyables gaufres. «Car ce ne sont pas n’importe quelles gaufres!» Alyssa agite une gaufre ronde. «Nous servons les deux. Ici, c’est la gaufre de Liège, légèrement sucrée, caramélisée et ronde. La gaufre de Bruxelles est moelleuse, et rectangulaire. Je suis allée en Belgique travailler avec un pâtissier, pour créer les bonnes recettes.» Est-ce pour cette raison qu’elle a choisi le nom «Waffle of Wonder»? «Non, le nom c’est mon futur mari qui l'a choisi. On voulait quelque chose qui sonne bien.»
Comme Alyssa a continué à travailler à la Banque, elle devait pouvoir compter sur ses employés: «Je tiens avant tout à ce que les clients se sentent les bienvenus. Et pour ça, il faut que le personnel soit vraiment accueillant.» Elle recrute et forme ses salariés, rédige les protocoles de chaque ligne de la carte, et répond rapidement aux commentaires. «Au départ, je pensais que les clients commanderaient surtout à l’emporter. Mais à l’inverse des Bruxellois, ils préfèrent s’installer, et manger avec de vrais couverts.» Elle a donc investi dans de la jolie vaisselle. Quand les clients ont commencé à venir avec leurs enfants, elle a proposé des chaises hautes, et ajouté une gaufre personnalisée (avec option smarties et vermicelles de toutes les couleurs).
Mais comment Alyssa concilie-t-elle son salon de thé avec son travail à la Banque? «Je travaille beaucoup le soir et les week-ends. Je recrute les bonnes personnes. Et j’essaie de ne pas faire les plannings à 3 heures du matin quand je n’arrive pas à dormir! Enfin, pas trop souvent...» Elle innove en permanence, adapte sa carte selon les saisons pour utiliser toujours des produits frais, et inciter les clients à revenir.
On dit qu’il faut trois ans à une entreprise pour être rentable, mais Alyssa a déjà passé le cap, et elle ne prévoit absolument pas de lever le pied. «Peut-être que j’ouvrirai un salon à Nyon, ou bien une activité traiteur pour certaines occasions, on verra.» Pour l’instant, elle a un autre projet. Car Alyssa et son futur mari attendent leur premier enfant pour le mois de décembre.
Alyssa, une vraie "Wonder Woman", a ouvert un salon de thé spécialisé dans les gaufres à Genève, en plein confinement