Interview avec François Pictet

Voilà les mots de François Pictet dans une période de turbulences peut-être passagères qui, dans le fond, sont un rappel à la prudence. Il invite ses clients à ne pas perdre de vue leurs objectifs à long terme en intégrant des stratégies actives à leurs portefeuilles. «Dans un monde toujours plus volatil, incertain et imprévisible, il est essentiel de favoriser ce genre d’approche», explique l'associé-gérant du groupe Pictet, détenu en mains privées. «Cette approche permet d’observer les secteurs pouvant bénéficier des tendances à long terme et d’identifier les entreprises qui génèreront de la valeur au fil du temps.»

Son regard se tourne notamment vers la clientèle privée haut de gamme, avec un important patrimoine à gérer, pour laquelle les marchés privés représentent une composante fondamentale du portefeuille, ces marchés privés étant sensibles à l’incertitude et à l’insécurité géopolitique croissantes.

«Ces dernières années, nous avonsconstaté une diminution desévénements de liquidité, il y a eumoins d’offres, les transactions ontdiminué et les estimations aussi»,estime François Pictet, tout ensoulignant que les private assetrestent une opportunitéd’investissement, surtout à lalumière de l'incertitude actuelle.

«Pour l'instant, les valorisations n'ont pas trop évolué dans le private equity». L'associé-gérant évoque alors un élément essentiel. «Ce type d'investissement requiert du capital et une vision à long terme, qu'une société non cotée comme la nôtre est en mesure d’avoir sans être sous pression, ni au niveau de la gestion de notre entreprise ni de la gestion d'actifs.» Autre facteur essentiel, le fait d’avoir des objectifs communs avec les clients eux-mêmes, que la société suisse poursuit en choisissant les bons partenaires et surtout en jouant le rôle d'investisseur, plutôt que celui de distributeur: «En ne recommandant que des fonds dans lesquels nous investissons nous- mêmes, nous pouvons assurer que ces derniers sont en ligne avec les intérêts de notre client, énonce-t-il, outre le but de construire des entreprises plus solides et plus stables.»

L'Italie - qui représente le deuxième marché du groupe Pictet après la Suisse, avec une division de gestion de fortune dirigée par Alessandra Losito, Country Head depuis 2021, a ses particularités. «En ce qui concerne les événements de liquidité, le marché a ralenti, mais moins que dans d’autres pays», commente-t-il, expliquant cette dynamique différente de notre économie en grande partie par la présence d’entreprises familiales.

De nombreuses entreprises doivent assurer la transmission générationnelle ou s’agrandir pour pouvoir se faire une place à l’international. Pour pouvoir atteindre leurs objectifs, ces dernières s’appuient très souvent sur des partenaires externes tels que les fonds de private equity, qui peuvent les accompagner au mieux dans de tels moments de rupture pour les PME et les entrepreneurs.»

Ce dynamisme a notamment permis de réduire en partie l'écart de valeur qui affecte historiquement les entreprises italiennes par rapport aux entreprises françaises, allemandes ou britanniques.

«Nous avons également assisté à un changement dans les activités de fusion-acquisition transfrontalières, et les volumes des transactions sont désormais plus équilibrés», estime François Pictet, qui attribue cette mise à niveau aussi au fait que le marché perçoit «un sentiment de plus grande stabilité» en Italie. Cette même stabilité qui constitue l'un des trois piliers du rapport que le groupe Pictet entretient avec ses clients depuis 25 ans; l'innovation et la taille de l’équipe jouant également un rôle. «Notre stratégie est d’être constamment présents et disponibles pour les investisseurs, qui deviennent plus exigeants, en particulier car les nouvelles générations ont tendance à avoir un niveau d'éducation dans le domaine financier plus élevé. En étant plus informées et plus sophistiquées, elles recherchent des solutions différentes et plus pointues.»