Evaluer l’impact des traitements contre l’obésité

Evaluer l’impact des traitements contre l’obésité

Les analogues du GLP-1 sont une bonne nouvelle pour la silhouette, mais pas seulement.
Le réacteur nucléaire Kalkar a été achevé peu avant l’explosion survenue en 1986 dans la centrale de Tchernobyl, en Ukraine, et n’a jamais été utilisé. Il a été transformé en parc d’attractions et un manège trône désormais au centre de ce qui aurait dû être la tour de refroidissement. 2050 Nuclear Ride, Allemagne, 2015 ©Luca Locatelli

Selon les estimations, un Américain sur huit a pris de l’Ozempic ou un autre médicament contre l’obésité au cours des deux dernières années, un phénomène qui pourrait avoir des répercussions économiques considérables et bouleverser le secteur de la médecine, mais aussi celui de l’agroalimentaire et des loisirs.

Telles sont les conclusions d’un sondage mené auprès de gérants et d’analystes de Pictet qui veillent, via nos portefeuilles actions axés sur la santé, la biotechnologie, la consommation et la nutrition1, sur plus de USD 10,5 milliards d’actifs.

Selon nos professionnels de l’investissement, la nouvelle génération de traitements contre l’obésité est porteuse de trois promesses d’améliorations qui pourraient démultiplier la taille du marché potentiel.

La première, c’est la diminution des effets secondaires, en nombre comme en intensité.

Le point faible des analogues du GLP-1 actuellement sur le marché, ce sont les nausées, les vomissements et l’inconfort gastro-intestinal dont souffrent souvent les patients. Si ces désagréments finissent souvent par s’estomper, beaucoup ont tout de même du mal à supporter le traitement, ce qui a poussé une partie des laboratoires pharmaceutiques et des sociétés de biotechnologie à se focaliser sur le développement de médicaments mieux tolérés.

La seconde promesse, c’est celle d’apporter aux patients la perte de poids qu’ils désirent. Les traitements actuels entraînent une perte de masse graisseuse, mais aussi de masse musculaire, ce qui peut provoquer des complications. Les fabricants planchent donc sur de nouvelles formules qui permettent de perdre du poids sans dégrader la masse musculaire, ce qui est tout à fait possible en adaptant les traitements actuels.

Une question de poids
Pourcentage de la population considérée comme obèse (IMC supérieur à 30)

Source: Observatoire mondial de la Santé de l’OMS (2022) 

La dernière promesse est celle d’une plus grande personnalisation des traitements. L’une des nombreuses difficultés auxquelles se heurte la lutte contre l’obésité, c’est le fait qu’elle va souvent de pair avec d’autres problèmes médicaux (que l’on appelle «comorbidités») comme l’hypertension, l’arthrose ou le diabète. A l’avenir, des solutions adaptées aux comorbidités spécifiques des patients pourraient être proposées.

Selon nous, plusieurs dizaines de produits hybrides font actuellement l’objet d’essais cliniques. Au final, ces améliorations potentielles pourraient permettre aux patients de perdre 25% de leur poids de façon permanente, ce qui suscitera des opportunités commerciales colossales. Porté par des médicaments plus performants aux effets secondaires moins nombreux, le marché de la perte de poids pourrait atteindre USD 75 milliards dans les trois prochaines années, et USD 100 milliards d’ici 2030.

L’impact économique au sens large serait lui aussi immense. Dans les pays développés, un adulte sur quatre est obèse et, si cette tendance se confirme, l’obésité coûtera chaque année jusqu’à USD 4000 milliards à l’économie mondiale, soit 3% de PIB, d’ici 2035.

Mais le potentiel des analogues du GLP-1 va bien plus loin que la question du surpoids: des recherches ont montré que les patients prenant des médicaments contre l’obésité étaient moins touchés par les problèmes cardiovasculaires de type AVC ou crises cardiaques, même quand la perte de poids n’était ni rapide ni significative. De fait, ces traitements ont des propriétés anti-inflammatoires et semblent avoir un effet positif sur certains types de cancer, notamment ceux qui touchent le système digestif.

Autre bienfait: une réduction des fringales et des comportements addictifs car ces médicaments, qui servent à réguler l’appétit, ont également un impact sur les circuits cérébraux liés aux addictions.

En outre, il semblerait que les analogues du GLP-1 puissent traiter la maladie d’Alzheimer. Novo Nordisk, le laboratoire qui produit l’Ozempic, devrait publier d’ici peu les résultats de la phase 3 de son essai clinique consacré au rôle du traitement dans le déclin cognitif.

Porté par des médicaments plus performants aux effets secondaires moins nombreux, le marché de la perte de poids pourrait atteindre USD 75 milliards dans les trois prochaines années, et USD 100 milliards d’ici 2030.

Pourtant, rien ne dit que l’apparente capacité des analogues du GLP-1 à soigner d’autres pathologies graves sonnera le glas des molécules et des procédures que l’on utilise aujourd’hui pour traiter les maladies cardiaques et cérébrales ou le cancer.

L’impact des traitements contre l’obésité sur le secteur de la santé au sens large est d’ailleurs difficile à évaluer parce que les effets sont parfois contradictoires.

C’est le cas des dispositifs orthopédiques par exemple: certains rapports font état d’une baisse de la demande parce qu’avec la perte de poids, la pression sur les articulations recule, ce qui fait légèrement diminuer le besoin en prothèses du genou.

Mais, en même temps, la perte de poids facilite la réalisation des interventions chirurgicales, donc la demande en prothèses du genou pourrait aussi augmenter. Par ailleurs, si les médicaments contre l’obésité font baisser l’incidence de pathologies comme le diabète, l’insuffisance rénale ou les maladies coronariennes, l’espérance de vie va s’allonger et augmenter le besoin d’interventions médicales.

Assureurs et prestataires de santé vont devoir trouver un équilibre entre coût élevé des analogues du GLP-1, nécessité de les administrer à vie (des études ont montré que les patients reprenaient leurs anciennes habitudes alimentaires et le poids perdu quand ils arrêtaient le traitement) et avantages indéniables sur la santé.

Les conséquences – encore très timides – sur les secteurs de l’agroalimentaire et des loisirs sont plus simples à observer.

Commençons par l’agroalimentaire.

Les traitements contre l’obésité coupent l’appétit des patients, donc plus ils se généraliseront, plus la probabilité d’une baisse des ventes de certains aliments et certaines boissons augmentera. Dans les pays développés, l’apport calorique devrait globalement baisser.

Selon nous, alors qu’ils génèrent une grande partie du chiffre d’affaires des géants de la distribution, les produits qui ne sont pas bons pour la santé (sodas, aliments transformés, alcool et sucreries) devraient moins bien se vendre. S’il est trop tôt pour tirer des conclusions définitives parce que les données objectives manquent, nous ne pouvons pas exclure un changement radical du regard que portent les consommateurs sur ces produits, mais aussi de leurs habitudes d’achat.

Les solutions et les services traditionnellement utilisés pour perdre du poids sont eux aussi menacés. Certains réussiront peut-être à se positionner comme des compléments, mais les analogues du GLP-1 constituent une menace vitale pour beaucoup d’entreprises du secteur de la minceur.

Inversement, les spécialistes des aliments de qualité pourraient tirer leur épingle du jeu.

Il semblerait que les analogues du GLP-1 puissent par ailleurs traiter la maladie d’Alzheimer.

Pour les gérants de la stratégie Nutrition de Pictet Asset Management, les entreprises qui fabriquent des vitamines et des compléments alimentaires pourraient faire partie des grands gagnants car, si l’apport calorique d’une personne baisse de 20% à 30% (c’est le cas chez les patients prenant des médicaments contre l’obésité), ses besoins nutritionnels ne changent pas.

Autrement dit, quand un patient mange moins et perd du poids, les compléments alimentaires, les vitamines et les aliments fonctionnels (qui sont d’ores et déjà utilisés par un tiers de la population dans les pays riches) prennent une place de plus en plus importante dans son quotidien. Certaines entreprises de notre univers d’investissement indiquent d’ailleurs avoir observé ce phénomène, et une enquête auprès de patients traités par analogues du GLP-1 a révélé qu’ils étaient plus d’un tiers à consommer des compléments de type probiotiques ou vitamines.

Le secteur des loisirs pourrait lui aussi profiter des bienfaits de ces nouveaux traitements. Si l’envie de vivre une vie plus saine est présente depuis un certain temps déjà, la demande en produits et services de l’économie du bien-être – vêtements de sport, nutrition sportive et autres objets connectés qui suivent notre activité – pourrait être renforcée par le recul du nombre de personnes cliniquement obèses.

[1] Les professionnels de l’investissement de Pictet Asset Management suivants ont participé à l’enquête: Flora Liu (client portfolio manager, Thematic Equities), Gillian Diesen (senior client portfolio manager, Thematic Equities), Mayssa Al Midani (senior investment manager, Nutrition), Alex Howson (senior investment manager, Nutrition), May Hammoud (investment manager, Nutrition), Marine Jacquemoud (investment manager, Nutrition), Caroline Reyl (head of premium brands, Thematic Equities), Laurent Belloni (senior investment manager, Premium Brands), Aline Reichenbach (investment manager, Premium Brands), Marien-Baptiste Pouyat (senior investment manager, Human), Dominique Lachal (investment manager, Human), Pamela Saliba (investment manager, Human), Grégoire Biollaz (senior investment manager, Health), Moritz Dullinger (senior investment manager, Health), Tazio Storni (senior investment manager, Health and Biotech), Lydia Haueter (senior investment manager, Biotech), Marco Minonne (senior investment manager, Biotech), Eugénio Martin-Fougeroux (investment manager, Biotech)
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