Adaptation au changement climatique

Adaptation au changement climatique: une priorité absolue pour survivre sur une planète plus chaude

Alors que le réchauffement climatique s’intensifie, les villes doivent s’adapter à une multiplication des vagues de chaleur mortelles et investir dans de nouvelles technologies et innovations.

Madrid et Miami figurent souvent dans les classements des villes les plus recherchées.En raison de cette demande, les prix des maisons dans la capitale espagnole ont augmenté de plus de 60% depuis 2015, tandis que le prix moyen des maisons individuelles dans la deuxième ville la plus peuplée de Floride a plus que doublé entre 2018 et 20211.

Pourtant, le réchauffement climatique pourrait rendre ces deux villes inhabitables d'ici quelques décennies.De fait, Madrid a enregistré en mai 2022 sa vague de chaleur la plus précoce en 40 ans avec des températures dépassant les 40°C.Les scientifiques avertissent d'une augmentation possible allant jusqu'à 5°C des températures maximales à Madrid d’ici 2050, ce qui provoquera une multiplication et une intensification des feux de forêt, des sécheresses et des inondations. Au cours de la même période, le recul de la biodiversité et les changements dans les écosystèmes pourraient augmenter les risques de santé publique en accélérant la transmission de maladies infectieuses2.

À Miami, la menace vient de l’élévation du niveau de la mer. Tout le monde s'accorde à dire qu'il s’agit de l’une des métropoles côtières les plus vulnérables au monde.Un rapport récent de l’Urban Land Institute signale que l'effet quotidien de la marée haute pourrait grignoter plus de 3 milliards de dollars d'immobilier dans la ville d’ici 2040. D’ici 2070, ce chiffre devrait atteindre le montant ahurissant de 23,5 milliards de dollars3.

Mais Madrid et Miami ne sont pas des cas isolés. Aujourd’hui, 30% environ de la population mondiale, dont beaucoup vivent en ville, sont exposées à des épisodes de chaleur mortels pendant au moins 20 jours par an4

Quant à la population urbaine totale menacée par l’augmentation du niveau de la mer d’ici le milieu du siècle, elle pourrait atteindre plus de 800 millions de personnes dans 570 villes avec une facture économique s’élevant à 1 000 milliards de dollars dans le monde5.

Et ce problème est sur le point de s’aggraver. Même si nous mettons aujourd'hui un coup d'arrêt aux émissions de carbone, les températures mondiales mettront beaucoup de temps à baisser. En effet, la moitié environ du CO2 que nous avons émis par le passé restera longtemps dans l’atmosphère et continuera à réchauffer la planète même si plus de CO2 ne vient s'y ajouter. Le célèbre Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) estime que le réchauffement climatique plafonnera pendant au moins 100 ans à peu près au niveau atteint lorsque les émissions seront complètement jugulées.Cela explique pourquoi l’adaptation au changement climatique, autrement les efforts pour s’adapter et vivre avec les effets du réchauffement déjà en cours, est tout aussi importante que les mesures visant à atténuer l’augmentation de la température mondiale. Parmi les exemples d’adaptation, nous pouvons citer l’amélioration de la gestion des terres cultivées, l’urbanisme durable, l’optimisation de l'utilisation de l’eau et des ressources ou encore la résilience des systèmes électriques.Le problème, comme l’a observé le président de la COP26, Alok Sharma, est que l’adaptation a longtemps été le «parent pauvre» de l’atténuation. Ce point de vue est confirmé par l'énorme disparité de financement. En effet, l’OCDE estime que l’adaptation ne capte que 25% environ des financements pour le climat, contre 64% pour l’atténuation. Dr Nicolas Gruber, professeur de physique de l’environnement à l’ETH Zurich, explique que l’adaptation et l’atténuation se recoupent parfois. «Il existe un certain nombre de domaines, en particulier les bâtiments et les infrastructures, où on observe de fortes synergies que nous devons exploiter totalement», explique-t-il. Le GIEC, pour qui Dr Gruber a rédigé plusieurs rapports, définit l’adaptation au changement climatique comme des efforts visant à réduire le risque et la vulnérabilité au changement climatique, à renforcer la résilience, à améliorer le bien-être et la capacité à anticiper, ainsi qu'à réagir avec succès au changement6.

Un rapport du Global Centre on Adaptation (GCA) montre que sans adaptation, le changement climatique pourrait réduire de 30% maximum la croissance des rendements agricoles mondiaux, affectant en priorité les 500 millions de petites exploitations. De plus, le nombre de personnes qui pourraient manquer d’eau au moins un mois par an dépassera les 5 milliards au milieu du siècle, contre 3,6 milliards aujourd’hui7.

Mais les avantages de l’investissement dans l’adaptation l’emportent souvent sur les coûts. Selon les estimations du GCA, investir 1 800 milliards de dollars dans le monde à partir de 2020-2030 pourrait générer 7 100 milliards de dollars US d’avantages nets totaux en ciblant cinq domaines : systèmes d’alerte précoce, infrastructures résistantes au climat, amélioration de la production agricole des terres sèches, protection des mangroves dans le monde entier et investissements dans des sources d’eau efficaces et résilientes.

Refroidissement urbain

Certains pays comme Singapour prennent déjà des mesures et investissent dans des projets adaptatifs comme Cooling Singapore. Dans le cadre de cette initiative, des chercheurs dirigés par des collègues du Dr Gruber au centre de l'ETH-Singapore se penchent sur des moyens d’atténuer les défis liés à la chaleur urbaine8.

Actuellement en phase trois, le projet a déjà proposé 80 actions pour réduire la chaleur en ville. Tout aussi important, l’équipe de recherche a également mis au point des indicateurs pour évaluer les effets des îlots thermiques, le phénomène par lequel les températures en ville peuvent être 7°C supérieures à celles des zones rurales, et a proposé des règles d'urbanisme adaptées au climat. Pour lutter contre la chaleur urbaine, il est important de savoir que le stress thermique est généré non seulement par des températures élevées, mais aussi par l’humidité. Les températures élevées à elles seules sont rarement fatales ; c’est la combinaison d'une température et d’une humidité élevées qui est mortelle, car une humidité importante réduit considérablement la capacité du corps à se rafraîchir en transpirant. C’est pourquoi les scientifiques surveillent la température du thermomètre mouillé, qui mesure précisément la chaleur et l’humidité. Peu connue, sauf chez les météorologues jusqu’à récemment, cette température dite aussi du bulbe humide représente la température minimale qu’un corps saturé d’eau peut atteindre par refroidissement par évaporation. Si elle est trop élevée, le corps humain ne peut pas se refroidir et peut mourir d’hyperthermie. Les humains ne peuvent survivre que quelques heures à l’ombre, même avec une quantité illimitée d’eau à disposition, à une température de bulbe humide d’environ 35 °C. Heureusement, ces conditions sont actuellement très rarement atteintes dans notre climat actuel. Cependant, un changement climatique non atténué pourrait faire entrer un certain nombre de régions, notamment certaines fortement peuplées, dans cette fourchette. Pour refroidir efficacement un bâtiment, il est donc important de réduire non seulement la chaleur, mais aussi l’humidité. Généralement, les équipements de climatisation conventionnelle font les deux en même temps avec un seul réglage de température. Cependant, un système centralisé a tendance à être encombrant, énergivore et gourmand en espace au sol. Le projet du centre ETH-Singapore a abouti à un concept de bâtiment innovant qui s'attaque à une chose à la fois : il élimine la chaleur de l’intérieur du bâtiment d'un côté et l’humidité de l’air extérieur de l'autre.

Dans le concept «3for2», les fonctions de refroidissement et de déshumidification sont séparées, car il est plus efficace de refroidir un bâtiment à une température supérieure à celle requise pour la déshumidification9. Cette approche utilise également plusieurs petites unités de ventilation décentralisées au lieu d’une seule. Ainsi, il n'y a plus besoin de distribuer l’air dans tout le bâtiment et des unités compactes peuvent être intégrées dans la façade ou le sol. Comparé à un «bâtiment écologique» standard à Singapour, ce concept offre 20% d’espace de bureau en plus, réduit la consommation d’énergie de 40% et nécessite 16% de matériaux de construction en moins10. «Le concept de bâtiment 3for2 illustre parfaitement la manière dont l’adaptation et l’atténuation vont de pair. Malheureusement, ce n’est pas toujours le cas, car l’adaptation est complexe et le risque est important de faire de mauvais choix. Une stratégie adaptative novatrice est la clé du succès», explique Dr Gruber. Une inadaptation se produit lorsque les projets débouchent sur de mauvais résultats, par exemple lorsque la construction de digues de protection contre la hausse du niveau de la mer conduit les développeurs à mettre en danger encore plus d'infrastructures. De tels projets font perdre du temps et de l’argent et augmentent la vulnérabilité du monde au changement climatique au lieu de la réduire. «Pourtant, l’adaptation n’est pas compliquée. De nombreuses solutions sont déjà au point et disponibles sur le marché. Ce qui manque, c'est une meilleure compréhension des risques et des avantages, puis de la mise en œuvre de ces solutions», explique-t-il.

Une stratégie adaptative novatrice est la clé du succès... L’adaptation n’est pas compliquée.
[1]Institut national espagnol des statistiques au 31/03/2022; dans les contés de Miami-Dade, Broward et Palm Beach, rapport ISG World Miami T4 2021
[2]Ville de Madrid
[3]https://knowledge.uli.org/reports/research-reports/2020/the-business-case-for-resilience-in-southeast-florida
[4]Mora et al. Global risk of deadly heat. Nature Clim Change 7, 501–506 (2017). https://doi.org/10.1038/nclimate3322
[5]C40
[6]IPCC AR6 WGII, SPM (2022)
[7]https://gca.org/wp-content/uploads/2019/09/GlobalCommission_Report_FINAL.pdf
[8]https://sec.ethz.ch/research/cs/About.html
[9]https://systems.arch.ethz.ch/demonstrators/3for2-at-uwc
[10]https://www.researchgate.net/project/3for2-Buildings-Achieving-Material-Energy-Space-Efficiency
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