Voir le bon côté des choses

Voir le bon côté des choses

Hannah Ritchie, chercheuse principale à l’Université d’Oxford et auteure de «Not the End of the World», explique pourquoi le monde va nettement mieux que ce que beaucoup de gens pensent.

Q: Hannah, vous vous dites optimiste pragmatique. Mais ce n’a pas toujours été le cas, n’est-ce pas?

R: Il y a dix ans, je me serais certainement présentée comme quelqu’un de pessimiste. Je pense qu’à l’époque, tout semblait aller de pire en pire; il était vraiment difficile de voir un progrès quelconque… (Mais) au cours des 10 dernières années, les choses se sont vraiment inversées, et je peux maintenant me qualifier d’optimiste pragmatique… Nous constatons en effet des changements sur le terrain, il s’agit simplement d’accélérer les choses.

Q: Mais vous écrivez que le monde n’a jamais été durable.

R: Le monde n’a jamais été durable. Je pense que cette notion selon laquelle nous ne sommes que non durables n’est apparue que très récemment, peut-être au cours des 50 à 100 dernières années, lorsque nous avons assisté à cet essor des carburants fossiles. La définition de base de la durabilité comporte selon moi deux parties. La première concerne la protection de l’environnement... pour protéger les générations futures et ne pas leur dérober des opportunités, mais aussi pour protéger d’autres espèces. Ceci est l’aspect environnemental. 

Mais il y a une autre dimension tout entière, qui consiste à vouloir offrir une bonne vie à tous aujourd’hui, à réduire la souffrance humaine, (car) chacun dans le monde mérite un bon niveau de vie. Et pour moi, la durabilité représente l’équilibre entre ces deux choses.

Je ne pense pas que nous y soyons parvenus. Par le passé, nos ancêtres avaient peut-être une empreinte environnementale très faible, mais souvent, les conditions de vie étaient très mauvaises. À titre d’exemple, les taux de mortalité infantile étaient extrêmement élevés, ce qui a bien entendu entraîné d’immenses souffrances humaines. Au cours des derniers siècles, la tendance s’est inversée. Nous avons donc considérablement amélioré le bien-être humain, mais cela s’est fait au détriment de l’environnement. 

(Mais) je pense que nous pourrions être la première génération à réussir ces deux choses en même temps... Je pense que nous sommes maintenant au stade où nous avons les technologies, nous avons le pouvoir politique, nous avons le pouvoir économique, où ces choses ne sont plus incompatibles.

Q: Qu’est-ce qui va nous pousser vers la durabilité alors?

R: Selon moi, le principal problème avec la durabilité... est que le véritable coût de ces biens n’est pas entièrement pris en compte… Ainsi, lorsque vous brûlez des combustibles fossiles, le prix que vous payez sur le marché ne reflète pas les dommages environnementaux et sociaux futurs. Maintenant, il existe des moyens de corriger cela; vous pouvez par exemple fixer un prix au carbone.

Il a vraiment été très difficile de convaincre les pays d’acheter (de l’électricité provenant) de l’énergie solaire et éolienne alors que le charbon ou le gaz étaient bien moins chers. Ce n’était tout simplement pas dans leur intérêt économique à court terme. Au cours de la dernière décennie, nous avons constaté une baisse spectaculaire du coût de ces technologies à faibles émissions de carbone. Il y a dix ans, le solaire et l’éolien étaient les plus chers, ils sont aujourd’hui les moins chers. En ce qui concerne les voitures électriques, les batteries étaient très chères il y a dix ans, leur prix est à présent comparables à celui des voitures essence et diesel… La raison pour laquelle je suis plus optimiste aujourd’hui est que je vois également les opportunités économiques à court terme s’aligner sur la durabilité.

Optimisme durable

Q: Mais nous savons qu’une partie du principal défi n’est pas le monde riche, mais le monde pauvre. Et nous savons que ces pays en développement ont besoin de 2 400 milliards de dollars chaque année pour faire face au changement climatique. 

R: Le prix des technologies à faibles émissions de carbone chute très rapidement... le prix par unité d’énergie est inférieur à celui du charbon ou du gaz. Mais en matière de financement, il est à mon avis vraiment important de rappeler à quel point les structures de coûts des énergies renouvelables sont différentes de celles des carburants fossiles. Lorsque vous construisez une centrale solaire ou éolienne, les coûts initiaux représentent l’essentiel des coûts. (Mais) une fois dans le sol ou dans l’exploitation, l’énergie est pratiquement gratuite… Vous avez peut-être des frais de maintenance, mais c’est surtout au départ que les frais sont très importants… C’est aussi la raison pour laquelle ces technologies sont si vulnérables aux taux d’intérêt élevés. Pour les carburants fossiles, en revanche, la construction de l’usine a certes un certain coût, mais la majorité de l’effort financier provient de l’achat du carburant, du gaz et du charbon, qui s’étend sur des décennies. 

Si les gens n’ont pas le capital pour construire en premier lieu l’usine, celle-ci ne sera pas construite. Alors oui, ces technologies sont moins chères, mais il y a vraiment un coût d’investissement initial crucial dont nous devons tenir compte. Et si nous n’avons pas d’investisseurs, principalement du monde riche, qui jouent un rôle dans le financement de ces projets, cette transition ralentira.

Q: Faut-il choisir entre atténuation et adaptation?

R: Quelle que soit la vitesse à laquelle nous réduisons nos émissions, nous verrons les températures augmenter pendant un certain temps. Et nous devons nous assurer que tout le monde, mais surtout les plus pauvres qui y ont le moins contribué, sera résilient à ces catastrophes. Ce que je veux dire, c’est qu’en ce qui concerne les catastrophes au cours du siècle dernier, nous avons fait des progrès incroyables. L’une des raisons pour lesquelles j’étais si pessimiste par le passé est que je voyais tellement de gros titres sur des catastrophes; je pense que je partais du principe qu’il y avait de plus en plus de personnes qui mouraient de catastrophes que jamais auparavant. Mais en réalité, lorsque vous prenez du recul pour examiner les données, nous constatons une baisse à très long terme (de tels décès) au cours du siècle dernier. Et ce n’est pas parce que les catastrophes ne s’aggravent pas ou deviennent moins intenses… Mais parce que nous sommes devenus plus résilients face à celles-ci. Nous avons des systèmes d’alerte précoce, les gens sont plus riches, ils peuvent vivre dans des bâtiments antisismiques, nous avons une agriculture plus résiliente. C’est donc un gain considérable. Et nous devons continuer à voir ces progrès. 

Q: Est-ce aux jeunes de régler ce problème?

R: Je pense que le fossé générationnel est en réalité quelque peu exagéré. Il y a souvent cette impression que les jeunes sont les seuls à se soucier réellement du changement climatique. Je ne pense pas que cela soit vrai. Je trouve cela plutôt injuste, je pense que la plupart des gens se soucient du changement climatique et veulent agir. Il y a ce pointage constant du doigt. Et pour moi, ce n’est pas très productif… Il y a des inégalités plus importantes que nous devons combler, mais c’est un exercice collectif.

Vous pouvez prendre presque n’importe quel indicateur dans le monde et voir que nous ne sommes pas là où nous le voudrions en ce qui concerne la santé, la faim, la pauvreté ou l’un des problèmes environnementaux. Mais une partie du travail que nous essayons de dépeindre est que le monde va aujourd’hui bien mieux que par le passé. Beaucoup de ces indicateurs évoluent dans la bonne direction, ce qui signifie que le monde s’améliore. Et les gens peuvent vraiment faire des progrès. Les données montrent que ces outils doivent être utilisés pour encourager cette compréhension que le monde peut être nettement meilleur. Il est normal d’être anxieux et de s’inquiéter. Mais nous devons combiner cela avec la prise de conscience des progrès que nous avons accomplis dans le passé, de sorte que nous devrions être en mesure de faire des progrès à l’avenir si nous sommes déjà parvenus à le faire.

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