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Baromètre: torpeur estivale
Allocation d’actifs: réduction des actions
Le ralentissement de la croissance économique, la dynamique des bénéfices moins favorable et l’incertitude quant à l’issue de la présidentielle américaine nous ont incités à rétrograder les actions de surpondéré à neutre. Le fait que le marché boursier américain, qui domine les indices mondiaux, soit inconfortablement cher a également été pris en compte dans notre réflexion.
Parallèlement, nous avons relevé notre position concernant les liquidités de sous-pondéré à neutre. Nous sommes d’avis que l’économie mondiale se dirige vers un atterrissage en douceur, évitant en grande partie la récession, ce qui est également cohérent avec notre position neutre sur les obligations.
Notre rétrogradation des actions s’inscrit dans la dynamique visant à réduire les risques pour notre portefeuille que nous avons amorcée le mois dernier en réduisant notre position sur la technologie, secteur que nous jugions le plus vulnérable à une correction. Cette nouvelle évolution est motivée par la volonté de réaliser quelques bénéfices sur une classe d’actifs qui continue de faire fi de certains signaux d’alerte économiques, notamment aux États-Unis.
Selon nous, une baisse de l’indice de surprise économique – qui indique dans quelle mesure les données économiques sont inférieures ou supérieures aux prévisions du consensus – a laissé les actions vulnérables à une correction (voir Fig. 2).
Les actions ont connu une année 2023 exceptionnelle et ont progressé de 13% depuis le début de l’année, bon nombre de ces gains s’appuyant sur un leadership de marché extrêmement étroit, principalement sur les sept valeurs américaines du secteur technologiques dites les «Magnificent Seven». Plus récemment, cependant, les inquiétudes concernant l’impact des tarifs douaniers, l’incertitude sur les bénéfices et un recul des transactions impulsées par la dynamique ont déclenché des pertes dans ce secteur très onéreux, les investisseurs se tournant à nouveau vers des actions moins chères comme les petites capitalisations. Les petites entreprises ont été durement touchées par le cycle de resserrement des taux, ce qui suggère qu’elles ont le plus à gagner de l’assouplissement monétaire lorsque la Réserve fédérale américaine commencera à réduire le taux des fonds dans les mois à venir.
Les perspectives pour les marchés seront toujours assombries pendant la majeure partie du reste de l’année par l’évolution de la situation politique aux États-Unis. La vice-présidente Kamala Harris, qui a remplacé le président Joe Biden dans le camp démocrate, est, à notre avis, la candidate de la continuité. Il est peu probable que ses politiques diffèrent de celles de Biden, puisqu’elle est la vice-présidente de l’administration actuelle. Mais elle est aussi derrière Donald Trump dans les sondages, dont le programme politique suggère des changements importants, certains très bons pour les actions (réductions fiscales aux entreprises), d’autres moins (guerres commerciales, expulsions de masse de travailleurs illégaux).
Notre analyse prudente de la dynamique des marchés américains trouve un écho dans nos lectures du cycle conjoncturel pour l’économie américaine. Nous nous attendons à ce que sa croissance soit inférieure à son potentiel au cours des quatre à cinq prochains trimestres. Cela s’expliquera par une stabilisation de la consommation à mesure que les augmentations des revenus disponibles réels ralentiront. Les investissements résidentiels devraient également reculer alors que le taux de croissance annualisé de 13% est très élevé. Cela devrait exercer une nouvelle pression à la baisse sur l’inflation, ouvrant la porte à des baisses de taux de la Fed.
L’industrie manufacturière de la zone euro continue d’être à la peine alors que les entreprises sont réticentes à investir. À l’opposé, la consommation des ménages est le principal moteur de la croissance. Le Royaume-Uni, en revanche, connaît un regain qui devrait être renforcé par le nouveau gouvernement travailliste. Le Japon est la seule grande économie développée susceptible d’avoir une croissance supérieure à la tendance en 2025, la consommation menant également la danse. Parallèlement, nous observons une reprise de l’économie chinoise, malgré la faiblesse persistante du secteur immobilier. La consommation y sera également le principal moteur, mais les investissements dans le secteur manufacturier soutiendront également la croissance. La Banque populaire de Chine a surpris les marchés en réduisant sa facilité de prêt à moyen terme fin juillet, la même semaine où elle a baissé son taux préférentiel de prêt pour soutenir la croissance.
Nos indicateurs de liquidité montrent que les banques centrales définissent à présent leurs propres modèles, en fonction des conditions locales, plutôt que de suivre une tendance mondiale, avec 14 politiques en attente, 12 politiques d’assouplissement et quatre de resserrement. La grande question est de savoir jusqu’où l’assouplissement peut aller avant de raviver l’inflation. Les divergences politiques pourraient entraîner une dispersion des performances du marché, favorisant certains marchés locaux dans un contexte mondial terne.
Nos indicateurs de valorisation des actifs sont restés largement inchangés sur le mois, les actions restant très chères, les obligations modérément chères et les liquidités bon marché. Environ 90% des classes d’actifs que nous analysons se négocient au-dessus de la tendance. Cela ne s’est produit qu’à trois reprises au cours de la dernière décennie, ce qui suggère un degré élevé de complaisance du marché.
Un assouplissement modéré de la part de la Fed devrait se répercuter relativement rapidement sur la croissance du crédit, les banques montrant leur volonté de prêter et les emprunteurs étant en bonne position pour s’endetter compte tenu de la solidité des bilans du secteur privé. La situation est plus confuse en Europe, où la pression de la Banque centrale européenne pour assouplir ses taux est émoussée par son autre politique de resserrement quantitatif. La Banque du Japon devrait entamer son propre resserrement quantitatif ainsi que deux hausses de taux de 10 points de base chacune, d’où une normalisation de la politique encouragée par la pénurie du marché du travail et la hausse des salaires.
Enfin, nos indicateurs techniques montrent une forte dynamique des actions japonaises et des marchés émergents hors Chine, ce qui indique de nouveaux gains et compense la faiblesse des marchés de la zone euro et du Royaume-Uni. Nos indicateurs montrent également un fort soutien saisonnier pour les obligations. Les indicateurs de sentiment pour les actions américaines montrent que l’enthousiasme des investisseurs est élevé, mais pas encore à des niveaux extrêmes qui pourraient signaler une forte correction.
Secteurs et régions des actions: abaissement de la note de la zone euro
La faiblesse des bénéfices des entreprises, le ralentissement de l’économie et l’accroissement de l’incertitude politique expliquent pourquoi nous réduisons notre exposition aux actions mondiales; les mêmes facteurs influencent également nos allocations régionales et sectorielles.
La zone euro, par exemple, semble désormais avoir perdu de sa superbe à tous les égards. Les performances économiques sont tièdes, la reprise attendue n’étant pas à la hauteur des espérances, comme en témoignent les chiffres de l’indice PMI de juin, plus faibles que prévu. Les perspectives pour les bénéfices des entreprises sont également peu encourageantes. Nos prévisions, basées sur nos projections macroéconomiques, suggèrent une croissance des bénéfices de seulement 4,7% cette année, soit la moitié du rythme des États-Unis. Il y a aussi une incertitude politique accrue qui se manifeste par un parlement minoritaire en France.
Certes, les valorisations des actions de la zone euro sont attrayantes (il s’agit de la région la moins chère par rapport à son historique de 20 ans selon notre modèle), mais nous pensons que cela reflète assez bien les risques. Nous abaissons donc les actions européennes de surpondéré à neutre.
Nos marchés d’actions préférés sont la Suisse et le Japon.
Les actions suisses bénéficient d’une dynamique de revenus solide et de valorisations attrayantes, tout en offrant l’accès à un nombre inhabituellement élevé d’entreprises de qualité, à savoir des entreprises dont le chiffre d’affaires et la croissance bénéficiaire sont stables. Les marchés boursiers japonais, quant à eux, sont soutenus par de fortes tendances de fond, notamment l’amélioration de la gouvernance d’entreprise, une économie sortant d’une spirale déflationniste, une politique monétaire toujours accommodante et un yen faible.
Parmi les secteurs, nous restons surpondérés dans les actions des utilities, dont les caractéristiques défensives, les perspectives de bénéfices stables et les valorisations bon marché sont particulièrement attrayantes maintenant que la croissance économique ralentit.
Nous surpondérons également le secteur des services de communication. Les perspectives de bénéfices de ces entreprises sont relativement bonnes et c’est l’un des rares secteurs où les rachats d’actions se poursuivent à un rythme soutenu. Les valorisations se sont améliorées par rapport aux autres secteurs, les services de communication obtenant désormais un score neutre sur notre modèle plutôt qu’onéreux.
En revanche, nous sommes prudents vis-à-vis du secteur immobilier, où la dynamique des bénéfices est faible et les valorisations moins attrayantes qu’au début de l’année. Bien que les taux d’intérêt baissent, le rythme des baisses est susceptible d’être modeste, se faisant potentiellement au détriment des marchés immobiliers.
Obligations et devises: miser sur les bons du Trésor
Ces dernières semaines, les investisseurs obligataires ont été sur des charbons ardents et, pour une fois, ce n’est pas la politique de la banque centrale qui était coupable, mais la politique américaine, notamment la probabilité croissante d’une victoire de Donald Trump lors des prochaines élections présidentielles. Les marchés s’attendent à ce qu’une présidence Trump implique des réductions d’impôts financées par un emprunt fiscal plus important, ce qui entraînera une hausse de l’inflation.
Cependant, avec les récentes tendances inflationnistes bénignes et la volonté des banques centrales d’assouplir leur politique, c’est sur le court terme que les rendements ont été poussées vers le bas, entraînant une courbe plus raide. Aujourd’hui, nous pensons que les bons du Trésor américain sont largement conformes à nos estimations de juste valeur, mais sont néanmoins plus attrayants que les autres obligations d’État des économies développées.
Pour ceux qui se préoccupent de l’inflation, les obligations indexées sur l’inflation américaine semblent particulièrement attrayantes. Le rendement des TIPS à 10 ans, à 1,95 %, est proche de ce que nous estimons être la tendance de croissance du PIB réel pour les États-Unis; le fait que l’écart entre les deux soit le plus faible depuis 2010 indique que la valeur est bonne.
En outre, les données du Trésor américain montrent que la demande en bons du Trésor auprès des investisseurs privés étrangers reste forte, ce qui devrait soutenir le marché.
En revanche, nous sous-pondérons les obligations d’État suisses, qui sont l’une des classes d’actifs obligataires les plus chères de notre modèle. À 0,5%, les rendements des obligations d’État suisses à 10 ans sont inférieurs de 3,5 points de pourcentage à ceux des bons du Trésor, contre un écart moyen à long terme de 2 points de pourcentage.
De plus, nous sommes devenus moins optimistes quant aux perspectives de bénéfices des entreprises et avons donc revu notre positionnement sur les obligations américaines «investment grade» de surpondéré à neutre. Dorénavant, les entreprises auront du mal à surpasser les prévisions de bénéfices dans la même mesure que les derniers trimestres. C’est particulièrement vrai pour les États-Unis en raison du ralentissement de la croissance économique, de l’appréciation du dollar et de l’effondrement du pouvoir de fixation des prix.
Dans ce contexte, nous pensons que la reprise des rendements actuellement offerte par les obligations d’entreprises est trop faible. Le crédit «investment grade» américain rapporte désormais seulement 93 points de base de plus que les bons du Trésor américain, sur une base ajustée des options, contre une moyenne à 20 ans de 155 points de base (voir Fig. 4).
Sur les marchés des devises, nous maintenons notre sous-pondération du franc suisse. Il offre un portage très faible et la Banque nationale suisse (BNS) a récemment exprimé ses inquiétudes quant à la force de la devise. Nous nous attendons à ce que la BNS conserve un biais accommodant afin de compenser les flux d’investisseurs en quête de refuge face à la volatilité des devises déclenchée par les bouleversements politiques en France.
Nous restons également long sur l’or. Les valorisations sont tendues, mais la dynamique est forte et le statut de valeur refuge de l’or devrait s’imposer en cas de nouvelles tensions en France ou aux États-Unis.
Vue d’ensemble des marchés mondiaux: le modeste gain des actions reflète des positions trop tendues
Les actions et les obligations ont terminé le mois en hausse, les obligations surperformant légèrement les actions, les craintes d’un ralentissement de la croissance économique et les perspectives d’une baisse des bénéfices des entreprises ayant incité les investisseurs à réduire les risques de leurs portefeuilles.
Les actions américaines ont progressé d’un peu plus de 1%, les investisseurs ayant réalisé des ventes bénéficiaires sur les grandes entreprises technologiques en avance sur la publication de leurs bénéfices trimestriels après leur rebond décisif au début de l’année, ce qui a porté les valorisations à des niveaux surélevés.
L’instabilité à l’approche de l’élection présidentielle américaine et l’augmentation des tensions commerciales entre les États-Unis et la Chine ont également encouragé les investisseurs à alléger leurs positions.
Les actions japonaises ont été les plus sous-performantes, l’indice de référence de Tokyo terminant le mois en baisse de 1%. Le marché a vu de fortes sorties de capitaux étrangers au cours de la semaine allant jusqu’au 26 juillet, la hausse du yen et la chute des valeurs technologiques mondiales ayant incité les investisseurs étrangers à prendre des bénéfices. Les investisseurs étrangers ont vendu des actions japonaises pour une valeur nette supérieure à 10 milliards de dollars US au cours de la semaine, ce qui représente la plus importante vente en 10 mois.
Les actions des pays émergeants d’Europe et d’Asie du Pacifique ont progressé de plus de 3 %.
Les technologies de l’information et les services de communication ont perdu le plus de terrain parmi les secteurs après que les deux branches aient enregistré des gains à deux chiffres depuis janvier. L’immobilier, les utilities et les valeurs financières ont gagné entre 5 et 6 %, soutenus par les perspectives de baisse des taux d’intérêt.
Les marchés obligataires ont enregistré des gains sains dans l’ensemble, les bons du Trésor américain ayant progressé de près de 3% alors que la Fed semblait approcher de la fin d’une bataille de deux ans contre l’inflation, laissant entrevoir une baisse des taux d’intérêt en septembre.
Les obligations d’État britanniques ont grimpé de 2 % en juillet, les investisseurs se préparant à une baisse imminente des taux d’intérêt de la Banque d’Angleterre (qui s’est concrétisée comme prévue début août). L’inflation des prix à la consommation du pays s’est assouplie pour atteindre l’objectif de 2% de la BoE après avoir atteint son plus haut niveau en 41 ans, dépassant les 11% en octobre 2022.
Les obligations d’État de la zone euro ont également progressé d’environ 2%, les investisseurs s’attendant à ce que la Banque centrale européenne réduise le coût des emprunts en septembre, en s’appuyant sur sa première baisse de taux en juin.
En matière de crédit, les obligations d’entreprises américaines ont progressé de plus de 2% dans les segments «investment grade» et haut rendement. La classe d’actifs a été soutenue par un faible endettement quasi record et des liquidités abondantes dans les bilans.
Sur les marchés des changes, le yen japonais a progressé de plus de 7 %, confirmant les trajectoires opposées des taux d’intérêt pour le Japon et les États-Unis après les dernières réunions de politique monétaire, mettant soudainement fin aux positions courtes sur le yen et incitant les investisseurs à racheter le yen en masse. Les devises européennes ayant toutes progressé par rapport au dollar, la devise américaine a perdu 1,7% sur le mois. Cela a à son tour soutenu l’or, qui a augmenté de plus de 4%.
Les prix du pétrole ont chuté de plus de 6 %, les inquiétudes s’intensifiant quant à l’affaiblissement de la demande en pétrole de la Chine, le plus grand importateur de pétrole brut au monde, à un moment où les producteurs de pétrole sont susceptibles d’augmenter l’offre.