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L’équation budgétaire se complique pour la France
Accentué par des recettes fiscales inférieures aux attentes, le déficit public de la France a atteint 5,5% du PIB en 2023, dépassant ainsi les 4,9% prévus par le gouvernement. Compte tenu des élections européennes qui se dérouleront en juin, Paris a décidé de concentrer la majeure partie de la consolidation budgétaire requise sur l’année 2025 et au-delà, selon le nouveau programme de stabilité français soumis à Bruxelles le 17 avril dernier. Alors que Standard & Poor's évaluera la note de la France fin mai, cet arbitrage politique renforce les craintes d’une rétrogradation de la notation souveraine de l’Hexagone.
Certes, des mesures correctives seront adoptées cette année, mais les 10 milliards d’économies supplémentaires annoncés par Bercy (0,2% des dépenses) ne suffiront pas à ramener le déficit budgétaire français sur la bonne voie. Car le programme soumis à Bruxelles prévoit une réduction du déficit à 5,1% cette année, soit de 0,7 point de pourcentage supérieure à l’objectif initial. Au vu de l’évolution de ce déficit, il semble que le gouvernement ait de facto renoncé pour l’heure à réduire le ratio de la dette publique, qui pourrait rebondir à 112,3% du PIB en 2024, après trois ans de baisse.
L’accélération de la consolidation budgétaire attendue dès début 2025 pourrait ainsi freiner la croissance française, d’autant que l’exécutif a annoncé son intention de ramener le déficit à 2,9% du PIB en 2027, conformément aux règles budgétaires européennes, et à réduire la dette publique à compter de 2026.
Un effort budgétaire d’une telle ampleur est inédit depuis la crise de la dette souveraine européenne de 2011-2013, qui avait entraîné la France dans la récession. Reste à voir si le gouvernement est véritablement prêt à sacrifier la croissance dans un contexte politique et social déjà tendu. Comme les récents développements semblent toutefois le confirmer, la situation budgétaire française constitue bel et bien l’un des principaux risques susceptibles de compromettre nos prévisions de croissance dans l’Hexagone à moyen terme.
Reflet des préoccupations liées à la stabilité financière du pays, le dérapage budgétaire a entraîné un élargissement du spread entre les obligations d’Etat françaises et allemandes à 10 ans. Et au vu de la menace qui pèse sur la note souveraine de la France, l’écart de rendement pourrait atteindre 60 points de base en fin d’année.