Agilité et vision à long terme, piliers du succès de Kvadrat

Agilité et vision à long terme, piliers du succès de Kvadrat

Le directeur général du spécialiste danois des textiles, Anders Byriel, nous raconte comment Kvadrat affronte les turbulences grâce à son actionnariat familial.

Le monde compte une myriade d’entreprises familiales (nous avons d’ailleurs brossé le portrait d’un certain nombre dans les 29 éditions précédentes!). Pourtant, Kvadrat est unique en son genre parce que ce sont deux familles qui la considèrent comme leur héritage et leur patrimoine. Fondée en 1968 à Ebeltoft, ville portuaire du Jutland, par Poul Byriel et Erling Rasmussen, elle a bâti sa réputation en travaillant avec des designers et des artistes scandinaves de renom comme Nanna Ditzel et Finn Sködt.

Et fait depuis toujours partie de la vie d’Anders Byriel, fils de Paul et deuxième génération de dirigeant. «L’entreprise a fait partie de mon enfance, raconte-t-il. Nous étions deux familles à la détenir: mon père était directeur artistique et son associé directeur général, ils se répartissaient les responsabilités comme ça.»

Anders Byriel dirige l’entreprise depuis les années 1990 avec Mette Bendix, la fille d’Erling Rasmussen. Ils ne partagent pas les tâches exactement de la même façon: Anders s’occupe du volet commercial et financier, tandis que Mette gère «tout l’amont», c’est-à-dire la partie industrielle. Pour les aspects créatifs, ils mettent leurs idées en commun. Dans tous les cas, le sérieux est de mise. «L’ambiance est familiale, on est très impliqués, mais notre gestion est très professionnelle, souligne Anders Byriel. Nous avons un mode de gouvernance, un conseil d’administration professionnel: ne pas avoir été nommés n’y change rien.»

De fait, leur règne est incroyablement efficace. Entre 2010 et 2020, la taille de Kvadrat a triplé. L’entreprise a conforté sa position de leader du textile haut de gamme et des produits connexes pour le design et l’architecture, les arts et la culture, et même les particuliers. Comment a-t-elle réussi à se développer si vite, surtout au lendemain d’une crise financière mondiale? Anders Byriel évoque Jim Collins et son concept de «flywheel», ou volant d’inertie. «A un moment, vous actionnez le volant et tout fonctionne, explique-t-il. On est revenus aux fondamentaux et on s’est réinventés en partant du produit. A l’époque, on voulait se développer à l’international et se focaliser sur notre communauté d’architectes et de particuliers passionnés de design.»

Le succès de Kvadrat tient aussi à l’attention portée aux aspects moins glamour de l’activité. «Les gens nous voient comme des créateurs de mode, pensent que tout est dans le produit et l’image de marque, poursuit-il. Or, il y a une autre facette, celle de l’efficacité de la chaîne logistique et de production.» Il aime d’ailleurs comparer l’entreprise à une montre suisse: le mécanisme est aussi beau que l’objet.

Malgré l’ascension fulgurante de Kvadrat pendant la décennie 2010, les années qui viennent de s’écouler ont réservé leur lot de défis, à commencer par la pandémie et les perturbations qu’elle a provoquées dans la chaîne logistique. Anders Byriel et son équipe en ont vu d’autres et considèrent toujours les moments difficiles comme des opportunités (sur le fond, l’après-crise financière de 2008 leur a plutôt souri). Le secret? Rester «souple et agile», et se concentrer sur la vision et la stratégie à long terme.

Prenons l’exemple du covid. Les confinements à travers le monde ont touché deux secteurs traditionnellement capitaux pour Kvadrat: les hôtels et les bureaux. Au lieu de céder à la panique, Anders Byriel et son équipe se sont focalisés sur deux éléments stratégiques: consolider le réseau international d’entrepôts et tout miser sur la conquête du marché américain. 

Kvadrat était déjà une multinationale (Anders Byriel souligne à ce propos que des musées, salles de concert et résidences privées de Chine et du Moyen-Orient sont habillés de textiles de la firme danoise), mais les Etats-Unis constituaient un tout autre défi car, comme il le souligne, c’est «un marché extrêmement exigeant, très concurrentiel et très complexe». Les gains potentiels sont à la hauteur. Kvadrat a donc investi autant sur le plan humain que sur le plan géographique, recrutant 50 personnes en 16 mois et ouvrant des showrooms à New York, Los Angeles, Chicago et Grand Rapids, dans le Michigan, berceau de l’industrie américaine du meuble. Ces efforts portent aujourd’hui leurs fruits: selon Anders Byriel, la croissance de Kvadrat en Amérique devrait atteindre 80% cette année. Quand le monde s’est retrouvé à l’arrêt, le patron et son équipe planchaient sur des hangars et des pièces remplies de cintres. Qui parlait de la beauté intérieure et extérieure des montres suisses?

Anders Byriel en est convaincu: c’est parce que l’entreprise est familiale qu’elle a si bien résisté à la tempête. «Voir les choses à très long terme, c’est ce qui fait la force des entreprises familiales, affirme-t-il. On peut accepter des bénéfices moins importants pendant deux ou trois ans parce qu’on veut aller plus loin, on a un plan et on s’y tient.» 

Faire preuve d’agilité est une chose, mais il faut aussi savoir penser plus loin qu’à trois mois, surtout quand l’orage gronde, une vision à long terme que traduit parfaitement la façon dont Kvadrat envisage la durabilité. Anders Byriel a été militant écologiste dans sa jeunesse, une expérience qui a influencé son style de conduite, il en est convaincu. Il y a deux décennies, l’entreprise a été l’une des premières à adopter un système de gestion environnemental. Aujourd’hui, Kvadrat s’est engagée dans l’initiative Science Based Targets et s’est fixé pour objectif de réduire de 100% ses émissions de scope 1 et 2 d’ici 2030 pour atteindre la neutralité carbone d’ici 2040. Parallèlement, elle met tout en œuvre pour s’inscrire dans l’économie circulaire, une économie qui valorise les déchets et cherche à fonctionner en circuit fermé. L’an passé, Kvadrat a ainsi utilisé 60 tonnes de déchets textiles pour un produit développé dans cet esprit. Et elle vise 2000 tonnes l’an prochain. «Ce sont des choses que l’on aurait envoyées à l’incinérateur ou à la déchèterie, explique Anders Byriel. Mais ce n’est que le début, c’est l’avenir que nous voulons bâtir.»


Le fait d’être une entreprise familiale a permis à Kvadrat de garder une vision à long terme et de résister aux turbulences, mais a-telle vocation à rester familiale? Ander Byriel s’est interrogé par le passé sur la pertinence d’une introduction en bourse. Avec Mette Bendix, ils ont finalement posé la question à leurs enfants et le verdict a été sans appel. «Ils nous l’ont dit très clairement, avec beaucoup d’émotion: l’entreprise doit rester familiale, résume-t-il. Donc elle le restera.» Cela ne veut pas forcément dire que Kvadrat continuera d’être dirigée par la famille. «Certains membres de la famille resteront actionnaires de l’entreprise ou y travailleront, explique-t-il. Mais ils doivent d’abord apprendre à en prendre soin, c’est là-dessus qu’on travaille en ce moment.»

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