Chef d’équipe le jour, DJ la nuit: la double vie de Samuel Ferreira da Silva (aka Sam)
DJ résident de l’Oshua Beach Club de Porto, Sammi (comme ses amis et ses fans l’appellent) vient de passer 14 dimanches après-midi à enchaîner les morceaux jusqu’au petit matin. Mais à 9h45 le lundi suivant, il était de retour à son poste à la Banque, reposé et prêt à affronter le planning exigeant de son équipe, chargée des déménagements au sein du Groupe. Pour la plupart des gens, ce serait deux emplois à plein temps, mais personne n’est porté comme lui par sa passion.
Sammi, benjamin d’une fratrie de neuf enfants, a grandi dans un petit village de la banlieue de Porto et a été rapidement attiré par les tables de mixage et l’impressionnante collection de vinyles de ses frères aînés. Plein de ressources depuis son plus jeune âge, il jouait déjà dans un bar du coin et aux concerts du lycée à 15 ans. A 18 ans, en 1998, il est parti vivre en Suisse avec ses ambitions musicales dans sa valise, et s’est fait connaître dans les bars du quartier de Rive, à Genève.
En quête d’un revenu plus stable, Sam (comme ses collègues de la Banque l’appellent) a rejoint son frère Jorge da Silva au sein de l’équipe Relocation, Storage & Maintenance de Pictet en 2005. «Quand je suis arrivé, le chantier du bâtiment des Acacias en était à la moitié», se souvient Sam. Le déménagement de 2500 personnes de l’ancien siège du bâtiment Georges Favon à celui des Acacias, tâche monumentale, a été un moment révélateur. L’équipe s’est fait connaître pour sa ponctualité et son efficacité, fruit des capacités d’organisation au cordeau et du perfectionnisme des deux frères au travail. «Depuis 2010, année où on m’a confié la responsabilité de l’équipe, j’ai choisi moi-même chacun de ses membres. Nous sommes comme une famille, je leur fais confiance sans avoir besoin de le dire.» Pourtant à la fin de sa journée de travail, Sam reviens toujours à la musique.
Sa passion pour l’afro house, ce son électro rythmé par des voix africaines, est née avec des artistes comme Black Coffee il y a plus de 15 ans. «J’ai découvert ce genre musical en 2009 dans des festivals électro et dans des clubs parisiens comme le Djoon. J’y allais pour les sets, puis je retrouvais des amis qui me présentaient les artistes et les organisateurs.» Rapidement, il est devenu le principal interlocuteur en Europe d’artistes originaires d’Afrique du Sud. «J’ai alors commencé à voyager dans toute l’Europe pour les faire connaître, à jouer dans des clubs, et même sur des yachts. Se considérant comme un DJ de «l’ancienne génération», il s'est forgé une réputation, a noué des relations et a saisi les opportunités qui se présentaient à lui. C’est ainsi qu’il a pu faire les premières parties d’artistes comme Black Coffee et Shimza, ce qui a propulsé sa carrière musicale au point qu’on lui demande (et qu’il accepte!) de jouer dans plusieurs villes sur un seul week-end.
Pendant le covid, Sammi s’est remis à la production de titres, son passe-temps quand il était au lycée au Portugal. Il s’est associé à Chaleee, DJ et producteur néerlandais, et leurs collaborations ont rapidement été appréciées des fans et d’autres DJ. Aujourd’hui, certains artistes viennent même les chercher, comme The Avener, qui leur a demandé sur Instagram de lui faire un mix à l’occasion du 10e anniversaire du fameux titre «Fade Out Lines». Après trois semaines de travail, le duo a sorti le morceau, aussitôt diffusé en avant-première au célèbre club Hï d’Ibiza et désormais mis en avant sur les chaînes YouTube d’Universal et de The Avener.
Sammi a conservé tous les billets d'entrée ou les bracelets de tous les concerts auxquels il a assisté.
Sammi possède un studio où il passe souvent sa pause déjeuner, voire ses soirées, à créer de nouveaux morceaux. Même s’il a un compte SoundCloud, ses titres sont rares et difficiles à trouver pour les non-initiés. Sammi privilégie l’exclusivité et ne partage son travail qu’avec les quelques DJ qui font partie de son cercle proche. Pour lui, c’est la reconnaissance des véritables spécialistes qui compte. «J’adore quand on me tague sur les réseaux sociaux dans des vidéos d’autres DJ qui jouent ma musique», sourit-il.
L’an dernier, il a refusé une invitation à jouer lors du Grand Prix de Doha, malgré la somme folle qu’on lui avait proposée. Il préfère les lieux plus petits et intimistes où la table du DJ est directement sur le dance floor et où on peut «ressentir l’énergie». «Le seul moyen de vivre mes deux vies est d’être organisé et d’avoir un style de vie sain, même si j’aime bien faire la fête. Je ne touche ni à la cigarette, ni la drogue.»
J’ai dit oui à toutes les propositions de sets, j’ai fait 110 dates. Le week-end le plus fou, j’ai fait Lisbonne, Toronto et Montréal, avec un set dans chaque ville.
Et Sam est toujours fidèle au poste le lundi matin. «L’an dernier a été ma première année à 95%* chez Pictet. J’ai dit oui à toutes les propositions de sets, j’ai fait 110 dates. Le week-end le plus fou, j’ai fait Lisbonne, Toronto et Montréal, avec un set dans chaque ville». Il reconnaît que ça faisait beaucoup. «J’ai de la chance, ma femme me soutient beaucoup et elle partage mon amour de la musique. D’ailleurs, elle m’encourage dans mes explorations artistiques.» Maintenant que leurs enfants sont grands, elle le rejoint parfois en concert le week-end.
Quand on lui demande avec quel artiste il rêve de collaborer, Sammi répond que ce qui compte, ce n’est pas forcément la personne avec qui il joue: «J’ai joué avec quasiment toutes mes idoles, même Louie Vega. Je suis allé le voir en 2001 à l’époque où on pouvait à peine l’approcher. J’avais apporté une pochette de vinyle à lui faire signer. Et 20 ans plus tard, on mixe encore régulièrement ensemble, et c’est pareil avec Black Coffee.» Ce qui fait rêver Sammi, c’est de jouer dans des lieux mythiques. «Le Hï à Ibiza. Coachella, évidemment. Des institutions comme le Watergate à Berlin**. Malheureusement, beaucoup de clubs de house historiques ferment leurs portes.» Maintenant, ce sont plutôt des soirées spécifiques, ultra exclusives, dans des lieux atypiques et surtout «instagrammables» qui ont la cote.
Même s’il est très demandé sur le plan personnel, Sammi ne compte pas quitter Pictet. «J’ai grandi dans une famille nombreuse aux valeurs traditionnelles: travailler dur, avoir un salaire régulier, subvenir aux besoins de sa famille et avoir la fierté du travail bien fait.» Et c’est exactement ce qu’il fait chez Pictet, où tout est rangé, à sa place, fait en temps et en heure et géré selon ses exigences, ce qui lui apporte la sérénité et l’énergie nécessaires pour vivre ses aventures musicales en dehors du bureau.
Avec trois grands déménagements annoncés au sein de la Banque, Sammi refuse déjà des offres pour la saison à venir. «Je ne jouerai que le samedi, et à partir d’août, je vais arrêter de voyager. Les déménagements à Genève commencent en septembre et il faut que je sois totalement présent.»
Peut-être l’avez-vous déjà croisé dans les locaux, à superviser avec calme le prochain changement de bureaux. Mais pour le voir réellement dans son élément, allez voir sa page Instagram, où sont annoncés ses prochains sets: @sammiferrer.