Pictet Group
Julien Akpan
«Low kick, crochet du droit, uppercut!» La voix de Julien résonne de l’autre côté du ring. Il y a moins d’un an, son élève était à deux doigts d’abandonner. «Garde tes distances et prépare-toi au contre, comme à l’entraînement!» A l’approche du dernier round, le jeune homme regarde Julien dans les yeux avec une détermination sans faille. Il décoche plusieurs coups de poing, joue agilement des pieds, et son adversaire tombe genou à terre. C’est la première victoire d’une longue série.
A 8 heures le lendemain, Julien s’élance sur un autre type de ring, celui de la salle des marchés de Pictet, où il travaille depuis 2007. Curieusement, l’accueil n’est pas si différent. «Tout de suite, on blague les uns les autres. Et puis on croise un regard sévère, et on se met au travail.»
A ses débuts à la salle des marchés, Julien a passé des heures à essayer de répliquer des formules complexes pour lesquelles il aurait simplement pu utiliser un ordinateur. «Quand je veux comprendre quelque chose, je m’y mets vraiment, jusqu’à ce que ça rentre.» En réalité, ce sont les sept ans passés en début de carrière dans l’équipe chargée des règlements et des réconciliations de Pictet Asset Services qui ont appris à Julien le souci du détail et la rigueur qui caractérisent tout ce qu’il fait. «On réfléchit d’une certaine façon ici. Les gens sont précis, pragmatiques et axés sur les résultats, mais ils savent aussi rester à l’écoute les uns des autres. Ce n’est pas si courant en entreprise.»
Côté sports de combat, Julien a commencé par la boxe chinoise et le Muay Thai en 1995, avant de se mettre au jiu-jitsu brésilien, art martial privilégiant la lutte au sol, en 1998. Sa progression l’a amené à s’envoler pour le Brésil pour décrocher sa ceinture noire, jusqu’à finir troisième d’un des plus grands championnats européens. Conscient des nombreuses compétences à maîtriser, il est même parti s’entraîner en Thaïlande, pays d’origine du Muay Thai, en parallèle à ses études pour devenir trader. En 2001, Julien a découvert le Mixed Martial Arts (MMA), pratique de combat «full contact» qui, à l’époque, n’avait que peu de règles et d’infrastructures. «La discipline était réservée à quelques passionnés triés sur le volet et prêts à tout risquer sur le ring, même leur vie.» Et Julien faisait partie de ce cercle fermé.
«Combattre en professionnel est un pari risqué si on n’a pas d’autre moyen de gagner sa vie. On peut jouer au football ou au basket-ball, mais on ne peut pas jouer en MMA.» Pour Julien, la discipline va bien au-delà du spectacle qui se déroule dans la cage. «Il y a une notion de dépassement de soi. On sous-estime beaucoup l’aspect stratégique du combat. Il faut garder la tête froide pour se battre sur un ring, maîtriser sa respiration, anticiper le prochain coup de l’adversaire, mais surtout le sien.» Malgré la discipline rigoureuse qu’il exige, c’est ce sport qui permet à Julien de décompresser à la fin d’une journée de salle des marchés.
En 2015, un groupe d’amis a créé un club de MMA (la future Strike Academy) à Genève et invité Julien à venir s’y entraîner, ce qu’il a volontiers accepté, heureux d’y trouver des partenaires ayant le même centre d’intérêt. Quelques mois plus tard, à la salle d’entraînement, le responsable du club est venu le chercher. Le prof de Muay Thai était malade: est-ce que Julien serait d’accord de le remplacer, «juste pour cette fois»? Il était alors loin de se douter que ce premier cours le pousserait vers un nouveau défi sportif et qu’il deviendrait entraîneur professionnel, capable de trouver un plaisir nouveau à regarder quelqu’un d’autre gagner.
Julien évoque ensuite l’élève qui l’a le plus marqué, Antoine Petitjean. «Il est arrivé au club en surpoids, sans aucune expérience du combat, mais il voulait se lancer dans le MMA. Comme si un joueur de rugby décidait de se mettre à la danse classique.» Et pourtant, Julien l’a pris sous son aile. «Je voyais cette immense détermination dans ses yeux, il voulait clairement changer. Il avait cette mentalité jusqu’au-boutiste. Ça force le respect.» Sous la tutelle rigoureuse de Julien, Antoine a perdu du poids, a commencé à s’entraîner deux fois par jour et s’est mis à progresser. Onze mois plus tard, il participait (et gagnait!) à ses premières compétitions amateur.
Le principal objectif de Julien est de préserver l’intégrité physique de ses élèves et de s’assurer qu’ils évitent les blessures graves. Il se souvient d’un élève qui est venu le voir à la fin d’un premier round particulièrement difficile, et qui lui a dit: «C’était plus dur de s’entraîner avec toi que de combattre un adversaire sur le ring!» C’est le moment où Julien sait qu’il a fait du bon travail. «C’est à ça qu’on les prépare. S’ils ne sont pas prêts, il n’y a pas de combat. Ils peuvent douter d’eux-mêmes, voire pleurer; ça m’est arrivé aussi à l’entraînement. Et il vaut mieux que ça arrive là que sur le ring.»
Julien, qui concilie un planning chargé d’entraînement et d’enseignement au club avec son poste de trader chez Pictet, est l’incarnation même de la discipline et de la résilience. Malgré des difficultés personnelles, dont le deuil de plusieurs membres de sa famille proche, il respire le bonheur. Il peut compter sur l’amour de sa femme et de ses deux enfants: un fils passionné de football qui suit aussi chaque combat de son père et une fille qui adore l’équitation. Même si ses deux enfants savent se battre, Julien est heureux qu’ils suivent leur voie et pratiquent les loisirs qu’ils aiment, et il les encourage à faire leurs propres choix.
Il insiste sur l’importance de ne jamais sous-estimer personne, de respecter l’autre et de saisir les opportunités au bon moment. «Un genou à terre, jamais les deux» est son mantra au quotidien. Ce qu’il a appris sur le ring et chez Pictet lui est utile dans sa vie personnelle et professionnelle, et ce sont des leçons de courage pour les périodes difficiles.
Alors Julien, trader sur le ring ou combattant en salle des marchés? «Ce sont deux choses différentes. Les leçons et les compétences acquises d’un côté peuvent être transposées de l’autre, mais ce sont deux “rings” bien différents. Il n’y a pas vraiment de combat en salle des marchés et, pour tout dire, je ne me considère plus vraiment comme un trader, mais plutôt comme un manager. C’est l’aspect humain qui compte le plus et qui me fait aimer les deux activités.»
Quand Julien n’est pas en train de combattre ou d’entraîner, il est Head of Fiduciaries chez Pictet Trading & Sales.
Le MMA, qu’est-ce que c’est?
Le Mixed Martial Arts (MMA) est un sport de combat «full-contact» qui autorise une grande variété de techniques de combat issues de différentes disciplines, comme la boxe, la lutte et le Muay Thai, dans le cadre d’un ensemble de règles unifié.
Le MMA moderne est apparu dans les années 90s avec des évènements comme l’Ultimate Fighting Championship (UFC) et des combats comportant peu de règles, pour évoluer jusqu’à devenir une discipline un peu plus réglementée. Le MMA est réputé comme étant l’art martial le plus violent.