Pictet Group
Rapprocher les « sales » et l’investissement: le parcours de Walter Liebe chez PAM en Allemagne
Quelle a été votre première impression quand vous avez rejoint Pictet il y a quinze ans? En quoi vous a-t-elle influencé?
Dans mon précédent poste, la structure hiérarchique était très rigide et l'information strictement contrôlée. Les nouveaux collaborateurs, dont j'étais, n'avaient pas le droit de parler directement aux associés. Le management intermédiaire appliquait aussi cette règle tacite, ce qui limitait la communication dans l'entreprise. Quand je suis arrivé chez Pictet, j'ai été très impressionné par la culture, par le fait que l'entreprise encourage tous ses collaborateurs à se mettre en valeur, à se rendre visibles. C'était une approche très rafraîchissante qui a influencé mon style de leadership.
Comment votre rôle a-t-il évolué à votre arrivée chez Pictet Asset Management?
Avant, je travaillais dans le private banking, en gérant des portefeuilles de clients, et dans la sélection de fonds. Pictet cherchait un spécialiste produits pour faire le lien entre les sales managers et l'équipe de gestion de portefeuille, quelqu'un qui connaissait le marché local et pouvait travailler en euros. Je connaissais suffisamment bien la concurrence et les marchés des capitaux pour pouvoir parler d'investissement avec les clients. A l'époque, j'étais une recrue un peu "atypique" puisque les gérants d'actifs étrangers avaient tendance à miser avant tout sur l'aspect commercial, en considérant l'expertise locale comme superflue.
Mais ce choix a payé ces dix dernières années. Aujourd'hui, mon poste va plus loin, puisqu'il porte aussi sur la compréhension des stratégies d'investissement de Pictet et le conseil en développement de nouveaux produits.
Qui sont vos principaux clients? En quoi consiste l'activité d'un intermédiaire?
Ce sont avant tout les banques. Les intermédiaires travaillent avec différents clients : des banques, des gestionnaires d'actifs et des conseillers financiers indépendants, des multi-family offices... Leur métier consiste à la fois à distribuer les produits et à travailler avec les clients sur des mandats spécifiques.
Quels sont les principaux segments de clientèle en Allemagne?
En Allemagne, la majorité des produits d'investissement (fonds de placement, fonds de pension, portefeuilles...) sont vendus par le biais des banques, qui représentent environ 80% de la distribution des produits financiers.
Mais le marché est aussi relativement morcelé puisque les banques sont nombreuses, donc aucune n'est en position hégémonique. La Deutsche Bank, par exemple, a beau être l'une des plus grandes banques d'Allemagne, elle ne détient que 8% du marché. Les caisses d'épargne locales, elles, en contrôlent la moitié. Et les banques coopératives, qui sont détenues et gérées par leurs membres, au profit des autres membres, en possèdent entre 20% et 25%. La fragmentation est donc beaucoup plus importante que dans d'autres pays européens comme la France ou l'Espagne, où quelques grands établissements bancaires dominent.
Comment faites-vous pour aborder ce marché fragmenté?
Notre équipe de développement commercial est composée de huit personnes, réparties en trois régions, avec des sales managers responsables des différentes zones. Dans un pays qui compte beaucoup d'établissements financiers, à la fois dans les grandes agglomérations et dans les petites villes, cette organisation nous aide à travailler efficacement. Elle exige cependant une planification minutieuse et des déplacements fréquents pour forger des relations solides avec les clients. Depuis octobre dernier, nous accueillons aussi un jeune diplômé : la nouvelle génération nous rejoint!
Comment trouver le bon équilibre entre rencontres en présentiel et échanges virtuels?
On ne peut pas toujours aller rendre visite aux clients, notamment retail. Pour échanger avec un maximum de gens, on organise des réunions sur des plateformes en ligne et on fait des webinaires et nous diffusons aussi du contenu avec l'aide de l'équipe marketing de PAM.
Quelles sont les stratégies qui ont porté la croissance de PAM en Allemagne?
Les fonds thématiques nous ont aidés à tripler notre encours sous gestion depuis 2016. Nous avons capitalisé sur la réputation de Pictet en matière d'innovation, ce qui nous a permis d'attirer les investissements, y compris quand les marchés ont baissé. Plus récemment, nous avons constaté une bonne dynamique des actions japonaises, des fonds Quest et des fonds monétaires, ce qui n'avait pas été le cas ces dernières années. Par ailleurs, je dois aussi souligner que les clients apprécient énormément l'engagement de Pictet en Allemagne, un engagement encore plus concret depuis que notre siège européen a été déplacé à Francfort-sur-le-Main.
Quels sont les défis qui attendent votre équipe?
La concurrence avec les gestionnaires d'actifs locaux, d'une part, et les enjeux de recrutement et de fidélisation des talents, d'autre part, parce que les jeunes sont souvent attirés par les fintech et les start-up. Les trois principaux acteurs, DWS, Deka et Union Investment, détiennent une part de marché de 62%. En toute logique, Pictet est moins connu en Allemagne qu'en Suisse, donc pour séduire de nouveaux talents, il faut mettre l'accent sur la stabilité de notre banque et sur son esprit d'entreprise. C'est d'ailleurs mon cas : en quatorze ans, j'ai évolué et obtenu de plus en plus de responsabilités. C'est ce qui me donne envie de rester chez Pictet.
Et quelles sont les opportunités?
L'Allemagne a adopté les produits financiers comme les actions, les obligations et les fonds moins vite que les marchés anglo-saxons. Elle s'y est intéressée quand les taux d'intérêt ont baissé, parce que la situation a rendu ces investissements plus attrayants. Il y a beaucoup de patrimoine dans l'immobilier, les liquidités et les assurances-vie, mais il reste un potentiel de croissance important qui passera par davantage d'éducation financière. Il faudra du temps, mais c'est possible.
Comment la dynamique client évolue-t-elle en Allemagne?
Je constate une professionnalisation croissante du côté des clients. Notre équipe compte désormais deux conseillers en investissement : Simon Frank, qui a pris ma suite, et Lara Lorenz. Cet investissement dans le conseil nous permet de mieux répondre à l'évolution des besoins de nos clients et à garder une longueur d'avance sur la concurrence.
Pourriez-vous nous parler d'un livre qui vous a marqué?
L'un de ceux qui m'ont le plus influencé, c'est L'irrésistible ascension de l'argent, de Niall Ferguson. Il m'a ouvert les yeux sur les forces économiques sous-jacentes qui dictent les évolutions géopolitiques et sociétales, ainsi que sur la façon dont les systèmes financiers ont façonné l'histoire du monde et l'actualité.
Qu'aimez-vous faire quand vous n'êtes pas au bureau?
J'aime beaucoup la culture et la beauté sauvage du nord de l'Espagne. C'est une région relativement épargnée par le tourisme de masse, avec une gastronomie unique et des paysages à couper le souffle, ce qui la distingue du reste du pays qui attire souvent les vacanciers. Et il y a très peu de touristes allemands, ce qui ne gâche rien! conclut-il avec un sourire.