Pictet Group
Robert Suss
Marquée par 18 ans chez Goldman Sachs et plusieurs années en tant qu’entrepreneur dans les secteurs de la finance, des technologies et des énergies renouvelables, la carrière de ce passionné d’art de longue date a emprunté de nombreux chemins. Mais une fois qu’on a réussi en tant qu’entrepreneur, pourquoi réintégrer le monde bancaire?
Rob admirait depuis longtemps Pictet comme l’une «des plus grandes marques» de la gestion de fortune, mais c’est surtout parce qu’il était intrigué qu’il a accepté de rencontrer Heinrich Adami1 en 2021. «J’avais été approché par plusieurs établissements concurrents depuis 2014, mais aucun ne m’intéressait vraiment. Avec Pictet, c’était différent, il y avait une aura de mystère», dit-il.
Et son instinct ne l’a pas trompé. Les deux premiers mois qui ont suivi son arrivée chez Pictet, Rob a reçu plus d’appels de particuliers, de conseillers en investissement, de comptables, d’avocats et de concurrents souhaitant le rencontrer qu’au cours de ses huit dernières années chez Goldman Sachs.
A ses débuts comme gérant, à une époque où le démarchage téléphonique et les campagnes marketing agressives étaient la norme, Pictet exerçait déjà sur Rob un certain attrait. Pour lui, il y avait là une opportunité, compte tenu de la taille du marché britannique de la gestion de fortune (juste derrière les Etats-Unis et la Suisse), de l’indépendance du Groupe et du contexte économique. «Le Royaume-Uni est vraiment un pays d’entrepreneurs qui génère d’immenses richesses. Il y a beaucoup d’opérations de transfert de capital, qui représentent d’ailleurs 35% des apports de fonds que nous avons enregistrés cette année.»
Comme les bureaux italiens et allemands de PWM avant elle, l’équipe de gérants basée au Royaume-Uni privilégie une approche qui a fait ses preuves pour entrer en relation avec les entrepreneurs. Ces derniers ont souvent fait fortune rapidement et ont besoin d’être accompagnés pour structurer leur patrimoine sans perdre la flexibilité qui leur permettra à la fois de réinvestir dans leur entreprise et d’investir à plus long terme. L’une des réussites de l’équipe a par ailleurs été de s’intéresser aux fortunes hors de Londres, dans les régions accueillant les entreprises les plus dynamiques du Royaume-Uni. «Pictet est partenaire du classement ‹the Growth 100›, qui met en avant les fondateurs des entreprises privées britanniques à la croissance la plus rapide, ce qui nous offre un positionnement et un accès uniques pour développer notre marque et notre présence auprès des entrepreneurs.»
L’expérience entrepreneuriale de Rob est sans aucun doute son principal atout pour nouer des contacts avec des entrepreneurs britanniques. «Je travaille avec des chefs d’entreprise depuis 30 ans et j’ai moi-même créé plusieurs entreprises en partant de rien. Par rapport à un ‹simple› gérant, je comprends probablement mieux ce qu’ils traversent et je vois leurs besoins sous un angle différent.»
Après son départ de Goldman Sachs en 2015, Rob a créé un fonds en dette privée axé sur le secteur agricole. Il a commencé par lever GBP 150 millions auprès de certains des investisseurs les plus en vue, de family offices et du plus grand fonds de private credit spécialisé dans le financement privé du Royaume-Uni. Cette entreprise est toujours en activité et elle a depuis levé d’autres capitaux pour se développer.
Sur son compte Instagram qui compte près de 36 000 abonnés, Rob se définit lui-même comme entrepreneur, gérant et passionné d’art. En effet, depuis 30 ans, il s’est constitué une belle collection. Jusqu’à récemment, il était vice-président du Royal Academy of Arts Trust et président du dîner & vente aux enchères annuel des Royal Academy Schools. «L’art est mon échappatoire et ma passion. A mon arrivée à Londres, j’allais me promener dans le quartier de Mayfair, j’entrais dans les galeries et je finissais souvent par acheter une œuvre. Et contrairement à d’autres, j’ai surtout à cœur, avec ma collection, de soutenir des artistes encore peu connus.» En 2001, il a fondé la Franks-Suss Collection, dont le but est de découvrir et d’encourager une nouvelle génération d’artistes issus de pays émergents.
Chez Pictet, Rob apporte d’ailleurs un peu de cet état d’esprit. «S’il y a une chose que j’ai apprise, c’est que je n’ai pas le monopole des bonnes idées. Ce sont parfois les collaborateurs peu expérimentés, ceux qui ont un regard neuf, qui sont la plus grande source d’inspiration.»
Avec le recul, la carrière de Rob repose surtout sur la qualité de ses relations avec les autres et sur ce qu’il fait pour les entretenir: être un partenaire de confiance pour les entrepreneurs, les clients ou ses autres interlocuteurs et, aussi, faire confiance à une équipe pour concrétiser sa vision. «Le terme ‹partenaire de confiance› est un peu une expression fourre-tout et un cliché utilisé par tous les gérants de fortune dans le monde. Cela dit, je suis profondément convaincu que Pictet est un véritable partenaire de confiance. Nous ne sommes pas une banque d’affaires. Notre activité de trading est au seul bénéfice de nos clients. Tout ce que nous faisons, c’est dans le but d’agir au service des familles. Il n’y a pas de pression pour vendre des produits et nos clients sont des partenaires durables.»
Le secteur financier et le profil des clients ont profondément évolué ces 30 dernières années, tout comme la structure des marchés financiers, avec l’essor des sociétés de private equity et la place qu’elles ont prise dans le domaine de la gestion de fortune. Ces évolutions ont été source de complexité et ont forcé les particuliers fortunés à faire encore plus confiance à leurs conseillers. «Je n’ai jamais vraiment compris le modèle du gérant indépendant: comment peut-il avoir des informations plus pointues qu’un établissement tel que Pictet? Les compétences des gérants et l’esprit d’innovation au sein du Groupe, qu’il s’agisse de planification patrimoniale, de gouvernance familiale ou encore de philanthropie, de même que les solutions d’investissement de premier ordre qui font notre marque nous permettent d’approfondir avec les clients et les prospects de nombreuses questions, dans toute leur complexité.»
Rob sait l’importance d’échanges francs avec les clients et estime que sa présence est essentielle, dans les moments difficiles comme dans les périodes plus heureuses. Un souvenir émouvant lui revient: celui d’avoir assisté aux événements dramatiques du 11 septembre 2001 de son bureau, lorsqu’il travaillait chez Goldman Sachs à Londres. Il a alors immédiatement contacté ses clients et les a aidés à faire face aux turbulences des marchés. «Nous sommes là pour les clients dans des moments comme ceux-là, mais aussi pour les féliciter lors de la naissance d’un enfant.» Après tout, ainsi va la vie et ainsi vont les relations: c’est là que se noue véritablement la confiance.
La meilleure façon de terminer cet entretien ne serait-elle pas de demander à Rob quels conseils il donnerait à une personne de 25 ans pleine d’ambition? «Le meilleur conseil que je peux donner est de travailler dur, d’être futé et de faire preuve d’humilité. Chaque expérience, vue sous le bon angle, est une expérience utile. Et comme je le dis à mes enfants, soyez de bonne compagnie. Dans la vie, être agréable, curieux et intéressant, ça aide.»
Pour finir, une perle, avec Rob qui cite l’ancien pilier de Goldman Sachs Roy Zuckerberg qu’il a rencontré en 1997: «Un client fait affaire avec vous pour trois raisons. Il vous apprécie, il vous fait confiance et, surtout, il pense que vous allez lui faire gagner de l’argent. Mais s’il ne vous apprécie pas ou ne vous fait pas confiance, il investira ailleurs.»
[1] Heinrich Adami a dirigé les activités de PWM au Royaume-Uni de 1997 à 2021.
L’art en aparté
- Votre addiction du moment en matière d’art
«Je suis de près ce que font plusieurs artistes extrêmement prometteurs au Royaume-Uni et en Afrique.» - Un artiste qui vous inspire
«On a cinq heures devant nous? (il sourit) Ma liste compterait sans doute 200 artistes. J’aime absolument tout, des post-expressionnistes à une myriade d’autres courants. Mais ce qui compte pour moi, c’est de connaître et de soutenir personnellement les artistes.» - Votre avis sur l’art numérique
«Je possède des œuvres sur de très nombreux supports, y compris vidéos, ce qui est sans doute ce qui se rapproche le plus du numérique dans ma collection. Pour moi, détenir un certificat numérique d’une œuvre d’art que je ne peux pas toucher n’a pas vraiment de sens. C’est peut-être parce que j’ai la cinquantaine et que j’ai grandi en voulant posséder des objets réels plutôt que de les avoir dans le cloud.»