Transition écologique

Transition écologique: semer les graines de l’innovation

Selon de nouvelles données, le monde arrive peut-être au début d’une ère d’innovation dans le domaine des énergies propres qui vient récompenser les efforts intensifs de R&D menés au cours de la dernière décennie.

Les années 1970 ont été une décennie charnière qui a vu de nombreux changements sociaux, économiques et politiques. Elles ont également marqué une période de prise de conscience du grand public sur l’environnement et la raréfaction des ressources en raison des chocs pétroliers de 1973 et 1979.

À l’époque, les cours du pétrole avaient quadruplé en seulement cinq mois, ce qui avait contraint les consommateurs à changer radicalement leur mode de consommation de l’énergie. Certains ont éteint les lumières de Noël, d’autres ont dû patienter de longues heures dans des files d’attente devant les stations-service. Il y avait tout de même un côté positif à tout cela. Les gouvernements occidentaux ont radicalement augmenté leurs dépenses pour trouver des sources d’énergie alternative. Leurs investissements ont payé: aux États-Unis, par exemple, les dépenses de recherche et développement pendant cette période ont lancé une « ruée vers le vent » au début des années 1980 qui a donné lieu à la construction des premières fermes éoliennes à grande échelle. Cette époque a également marqué le début de l’ingénierie solaire en Israël et la percée du Danemark dans les éoliennes. En fait, les années 1970 ont été une période riche en innovations qui a connu une forte augmentation du nombre de nouveaux concepts cités dans des articles scientifiques et des brevets, selon des recherches menées par Economist Impact, en partenariat avec le studio spécialisé en science des données Flamingo. Leur modèle, qui repose sur l’analyse de données de plus de six décennies d’articles scientifiques et de brevets, utilise le traitement du langage naturel pour discerner les tendances linguistiques et détecter l’émergence d’un langage novateur dans la littérature (voir Méthodologie). Ils ont ainsi découvert que les vagues d’activités innovantes et l’augmentation des nouveaux dépôts de brevets sont généralement précédées par une vague de concepts révolutionnaires dans les publications universitaires. Curieusement, le modèle Economist-Flamingo révèle que nous ouvrons peut-être une période d’innovation dans le domaine des énergies propres et que nous récoltons les fruits d’une augmentation des nouvelles structures linguistiques liées à la distribution, à l’utilisation et au stockage des énergies renouvelables au cours de la dernière décennie.

La pérovskite solaire, par exemple, constitue une bonne illustration de ce phénomène. La pérovskite est un minéral qui promet de remplacer le silicium comme matériau semi-conducteur plus durable utilisé dans les cellules solaires. L’activité académique autour de ce minéral a fortement augmenté au cours de la période 2014-2016 (voir infographie). Aujourd’hui, en raison de la hausse de son efficacité de conversion à 25%, contre seulement 3% en 2006, et de faibles coûts de production, ces cellules sont devenues commercialement attractives. Des technologies telles que la pérovskite sont essentielles pour exploiter et faire évoluer les sources renouvelables dont dépend notre ère post-énergie fossile. Fait encourageant, si l’on en croit l’explosion récente des recherches sur des technologies innovantes, nous disposons déjà d’une série impressionnante de technologies capables de s’attaquer à la décarbonisation. «Les technologies existantes nous permettront d’atteindre 70 à 80% de la neutralité carbone», explique Angela Wilkinson, qui est à la tête du Conseil mondial de l’énergie. Les données de l’AIE confirment son argument. Les technologies de nouvelle génération, y compris celles qui ne sont pas encore viables sur le plan commercial, pourraient réduire les émissions mondiales de CO2 du secteur de l’énergie de près de 35 gigatonnes d’ici à 2070, soit 100% de ce dont nous avons besoin pour atteindre tous les engagements actuels en matière de neutralité carbone1. Il ne manque maintenant plus que des améliorations dans la fabrication et la production pour réduire les coûts et raccourcir le délai entre une percée dans l’innovation en amont et son adoption dans le monde réel. Les panneaux solaires ont traversé l’ensemble du cycle d’innovation-adoption. Le prix de l’électricité produite à partir de sources photovoltaïques solaires a chuté de 89% ces dix dernières années, tandis que le cours du charbon n’a cédé que 2%. En tenant compte des coûts de construction et d’exploitation des centrales électriques, ce dernier est donc désormais plus cher. Dès lors, d’autres technologies de base réclameront des investissements importants pour favoriser leur viabilité commerciale et leur adoption généralisée.

Informations pour les investisseurs

  • Les innovations technologiques permettent des changements profonds dans le secteur des énergies propres, le coût de l’énergie solaire a par exemple reculé de 80% et celui de l’éolien terrestre de 45% au cours de la dernière décennie.
  • D’autres transformations technologiques seront nécessaires pour réduire les émissions de gaz à effet de serre au cours de la prochaine décennie et il faudra pour cela investir davantage. Les investissements annuels en faveur des énergies propres doivent tripler pour dépasser les 4 000 milliards de dollars d’ici à 2030.
  • L’économie devrait toutefois profiter de cette transition, qui ferait par exemple gagner 0,4 point de pourcentage à la croissance du PIB mondial et réclamerait la création de 30 millions de nouveaux emplois. Elle pourrait également générer des opportunités d’investissement dans un paysage commercial diversifié, avec des entreprises non seulement dans le secteur de la production d’électricité, mais aussi dans les transports, l’industrie, les bâtiments, l’informatique et les infrastructures énergétiques telles que les réseaux de distribution.
     
[1]  Le Scénario «Développement durable» de l’AIE suppose que les économies avancées atteindront zéro émission nette d’ici à 2050, la Chine aux alentours de 2060 et tous les autres pays d’ici à 2070 au plus tard. Sans supposer d’émissions nettes négatives, ce scénario correspond à la limitation de l’augmentation de la température mondiale à 1,65 °C (avec une probabilité de 50%). Si l’on y ajoute une certaine dose d’émissions nettes négatives après 2070, l’augmentation de la température pourrait être réduite à 1,5 °C en 2100.
Méthodologie
Economist Impact, en partenariat avec le studio spécialisé en science des données Flamingo, a mené une analyse de big data de plus de six décennies d’articles scientifiques et de brevets (ce qui représente 340 millions de points de données) à l’aide du traitement du langage naturel pour discerner des tendances linguistiques. Leur modèle détecte l’émergence d’un langage novateur dans la littérature: il identifie l’apparition de nouveaux concepts (tels que la thérapie génique, le CRISPR et le deep learning) et mesure leur importance à long terme par leur utilisation ultérieure. Les mots-clés qui apparaissent plus souvent peuvent être considérés comme plus influents ou «innovants» et sont mieux notés. Les scores sont attribués à l’année au cours de laquelle ils sont mentionnés pour la première fois. Des recherches secondaires et des entretiens approfondis avec des experts sont venus compléter leurs conclusions.
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